mercredi 9 décembre 2009

L'agité et le matheux


Une bien belle idée, que celle développée par Daniel Kehlman dans Les Arpenteurs du Monde. Daniel Kehlman est une étoile montante de la littérature allemande et ses bouquins font le bonheur de ses éditeurs au niveau international.
Ici, l’auteur met en parallèle la vie de deux grands hommes du début du XIXe siècle : l’explorateur Alexander Van Humboldt et le mathématicien Carl Friedrich Gauss.

Les deux hommes sont plus que brillants. L’un a la bougeotte (Humboldt) et va dresser les cartes de contrées inconnues de l’Occident en Amérique du Sud. L’autre a horreur de bouger et va reculer les frontières de la compréhension des mathématiques.

Peu avant le soir de leur vie, ils se rencontreront, et cette rencontre fera renaître en eux une flamme endormie.

Toutefois… Leurs aventures et découvertes laissent de marbre. Leur rencontre et ses conséquences sonnent artificiellement. Le passage de la fleur de l’âge à la vieillesse est trop soudain dans le récit.

L’ensemble se lit donc avec un détachement paisible. L’élégance du style de l’auteur est indéniable. C’est un beau livre. Comme dans ses salons pour la bonne société, où l’on s’ennuie sans oser le montrer, avec la satisfaction d’être invité, le roman se lit ostensiblement et sera du plus bel effet dans les dîners en ville. Je ne vérifierai pas mais je parierais que Télérama aime beaucoup.

 Je n’oserai jamais avouer à quel point je me suis ennuyé.

19/20 (je plaisante)

mercredi 25 novembre 2009

L'amour des étoiles

Bon, une fois n'est pas coutume, je ne vais pas vous parler d'un bouquin. Cette décision exceptionnelle, parce que lorsque l'on a une thématique on la garde, vient du fait que j'ai visionné un court métrage trois fois hier tant je l'ai trouvé bien pensé, réalisé, monté, inspiré... bref : réussi.
 



George Lucas in Love, court métrage indépendant, a été réalisé en 1999 par Joe Nussbaum, avec de l'argent confié par ses grands-parents. Ce film lui servit de carte de visite de façon si efficace qu'il fut par la suite embauché par Dreamworks comme réalisateur.
Hommage à Star Wars et à Shakespeare in Love, il a reçu le prix du meilleur court métrage Canal Plus en 2000 et a été récompensé dans nombre d'autres festivals.

Une pépite.

lundi 23 novembre 2009

Le Petit Nicolas

Le Petit Nicolas a des Ennuis, de Goscinny et Sempé, est un des albums les plus réjouissants du Petit Nicolas. Il ne faut surtout pas acheter les inédits qui sortent ces derniers temps (ils ne sont pas inédits pour rien), mais bien les albums sortis du temps du grand Goscinny.

Je connais peu de lectures aussi hilarantes. Ces histoires sont encore meilleurs lues à voix hautes, partagées. Et leur lecture à différents niveaux, tout comme Goscinny sut également très bien le faire dans Astérix ou Lucky Luke par exemple, fait de ces histoires un plaisir pour toutes les tranches d'âge (à partir de 8 ou 9 ans tout de même), à lire et à relire.

Extraits de La Lampe de Poche :

"Comme j'ai fait septième en orthographe, papa m'a donné de l'argent pour m'acheter ce que je voudrais, et à la sortie de l'école tous les copains m'ont accompagné au magasin où j'ai acheté une lampe de poche, parce que c'était ça que je voulais. C'était une chouette lampe de poche que je voyais dans la vitrine chaque fois que je passais devant le magasin pour aller à l'école, et j'étais drôlement content de l'avoir.
[...]
Et puis papa est arrivé et je suis allé l'embrasser, et je lui ai montré ma chouette lampe de poche et il a dit que c'était une drôle d'idée, mais qu'enfin avec ça je ne casserais les oreilles de personne. Et puis il s'est assis dans le salon pour lire son journal.
- Je peux éteindre la lumière ? je lui ai demandé.
- Eteindre la lumière ? a dit papa. Ca ne va pas, Nicolas ?
- Ben, c'est pour jouer avec la lampe, j'ai expliqué.
- Il n'en est pas question, a dit papa. Et puis je ne peux pas lire mon journal dans l'obscurité, figure-toi.
- Mais justement, j'ai dit Je te ferai de la lumière avec ma lampe de poche, ça sera très chouette !"


C'est un must. Je le redis au cas où mon appréciation serait restée ambigue.

18/20

lundi 9 novembre 2009

Péché de jeunesse

A Propos d'un Gamin, de Nick Hornby, parle d'une rencontre. Celle d'un trentenaire dragueur, Will, dilettante dont la vie est d'une telle inanité qu'il a découpé ses journées en demi-heures en guise d'unités de temps qu'il tente désespérément, mais systématiquement de remplir (prendre une douche, une unité de temps, voir une série télé, une unité de temps...). Celle d'un garçon de douze ans, Marcus, dont les parents sont séparés et qui vit avec sa mère, dépressive suicidaire dont l'horloge interne s'est arrêtée dans les années 70 (il faut préciser que l'histoire se situe au début des années 90, auxquelles nombre d'allusions sont faites en hommage). Marcus est le souffre-douleur de son école, mal fagoté, pas le moins du monde en phase avec ses pairs de petits camarades et de surcroit ayant tendance à fredonner dès qu'il manque d'attention en classe, ce qui ne saurait être conseillé.
Ces deux-là vont donc se rencontrer, devenir involontairement amis et changer radicalement leurs vies respectives.
Le livre a été adapté au cinéma en 2002 par Paul Weitz sous le titre "Pour un Garçon". Je ne l'ai pas vu et j'ignorai son existence jusqu'à ce matin. Toutefois, Hugh Grant, qui joue Will, était en effet tellement évident pour ce rôle, que je l'ai visualisé en Will dès les premières pages.

Une mention spéciale au personnage d'Ellie, ado de trois ans l'ainée de Marcus, fan de Kurt Cobain, rebelle jusqu'au bout des ongles, terreur de son lycée, et dont l'association des contraires avec Marcus ne pouvait être que totalement réjouissante.
Un bémol à cette très sympathique lecture, pleine de trouvailles et d'inspiration : l'histoire du garçon prend le dessus en fin de roman, alors que ce dernier avait commencé de façon très équilibrée. Le lecteur n'a donc droit qu'à une demi-fin (si on est gentils) et de surcroit très rapidement expédiée.
"Et donc, ils ont changé, larme à l'oeil, petit sourire, bras sur l'épaule, fin".

Un bon-ptit-film romantique britannique avec Hugh Grant, ça ne se refuse pas. C'est drôle, fin et jamais vulgaire, et totalement British.

15/20

mardi 3 novembre 2009

New York New York

Augusten est publicitaire, alcoolique repenti, homosexuel et new-yorkais. Dans le désordre. Après l'excellent Déboire, déjà évoqué ici, où il narrait sa douloureuse sortie de l'alcoolisme, Augusten Burroughs offre dans Pensée Magique des brèves sur sa vie, classées relativement chronologiquement.
Lire Augusten est hautement réjouissant. Il est nombriliste, extrêmement torturé et souvent assez méchant. Tant avec lui qu'avec les autres.
C'est pourquoi apprendre qu'il a trouvé un jour une souris dans sa baignoire ou connaître dans le détail ses démélés avec sa femme de ménage, anecdotes théoriquement plus qu'ennuyeuses dans la bouche d'un convive à une soirée et incitant fortement à se réfugier dans la sangria disposée à cet effet sur le buffet du salon, devient étonnamment, quand Augusten raconte, aussi épique que l'homérique Guerre de Troie.

Extrait : (Augusten lit la liste d'articles que sa future femme de ménage lui a demandé d'acheter)
"Je n'avais pas encore fini sa liste que j'avais déjà envie de la virer.
"Un balai en fibres naturelles (pas de poils en nylon), des lavettes réutilisables (pas d'essuie-tout en papier... pensez à tout ce gaspillage), conservez vos journaux (je m'en sers pour nettoyer les vitres), un magnum de jus de citron, un paquet de gros sel, un sac de chaux, des tampons en laine de verre, de l'huile d'olive (pour l'entretien de vos meubles)."
Je suis capable de laisser du mou à bien des gens mais je dis non à une table basse graisseuse. C'était déjà dément de penser qu'elle allait nettoyer mon appartement avec des condiments, alors je n'allais pas la laisser assaisonner mon mobilier à la sauce vinaigrette.

Augusten va voir sa vie changer en cours de roman, car il trouve celui qui va devenir son grand amour. Et lentement, insidieusement, Augusten devient moins acide, plus attentionné. Ce qu'il gagne en qualité de vie, le roman le perd hélas en piquant. Toutefois le lent changement du personnage est plus qu'attendrissant. Je pense que tout lecteur ne peut s'empècher de se projeter dans Augusten, c'est là sa force.

Une lecture très agréable, bien qu'inférieure à Déboire.

15/20

lundi 26 octobre 2009

OVNI littéraire

Les extra-terrestres ont débarqué. A Barcelone.
En fait, ils sont deux, Gurb et le narrateur, envoyés sur Terre à titre d'étude de la planète et de ses habitants. Gurb, parti en mission d'exploration le premier, a disparu.
Son chef décide de partir à sa recherche.

S'adapter à la vie barcelonaise (tout en sachant passer inaperçu) ne va pas être facile pour ces êtres constitués de pure intelligence, ayant été obligés de s'incarner pour l'occasion. Et notamment quand le narrateur, qui a acheté un petit appartement, commence à en pincer pour sa voisine.

Extrait :
19h00 : J'ourdis un plan qui me permettra d'entrer en relations avec ma voisine sans éveiller ses soupsons à propos de mes intentions. Je m'entraîne devant la glace.

20h30 : Je vais chez ma voisine, je frappe doucement à sa porte, ma voisine m'ouvre en personne. Je m'excuse de l'importuner à cette heure et je dis (mais c'est un mensonge) qu'en faisant la cuisine je me suis aperçu que je n'avais pas un grain de riz. Aurait-elle l'amabilité de me prêter une tasse de riz que je lui rendrai sans faute dès que le magasin Mercabarna sera ouvert (demain matin à cinq heures ?) Il ne m'en faut pas d'avantage. Elle me donne la tasse de riz, et me dit qu'il est inutile de lui rapporter le riz, ni demain, ni plus tard, et que les voisins sont là pour s'entraider. Je la remercie. Nous nous disons au revoir. Elle ferme la porte. Je monte en courant chez moi et je jette le riz à la poubelle. Le plan marche encore mieux que je ne l'avais prévu.

20h35 : Je frappe de nouveau à la porte de ma voisine. Elle m'ouvre en personne. Je lui demande deux cuillerées d'huile.

20h39 : Je frappe de nouveau à la porte de ma voisine. Elle m'ouvre en personne. Je lui demande une tête d'ail.

20h42 : Je frappe de nouveau à la porte de ma voisine. Elle m'ouvre en personne. Je lui demande quatre tomates pelées sans pépins.

20h44 : Je frappe de nouveau à la porte de ma voisine. Elle m'ouvre en personne. Je lui demande du sel, du poivre, du persil, du safran.

20h46 : Je frappe de nouveau à la porte de ma voisine. Elle m'ouvre en personne. Je lui demande deux cents grammes d'artichauts (déjà bouillis), des petits pois et des haricots mange-tout.

20h47 : Je frappe de nouveau à la porte de ma voisine. Elle m'ouvre en personne. Je lui demande une livre de crevettes épluchées, cent grammes de fromage rapé, deux cents grammes de moules vivantes. Elle me donne deux mille pesetas et me dit d'aller manger au restaurant et de la laisser tranquille.

21h00 : Je suis tellement déprimé que je n'ai même pas la force de manger les douze kilos de beignets que je me suis fait monter par un livreur.

Voilà, vous voyez le genre. Ca peut faire notamment penser à du "Troisième Planète Après le Soleil". L'auteur s'appelle Eduardo Mendoza, et le livre Sans Nouvelles de Gurb.
C'est un très bon moment, à condition bien entendu de supporter ce type d'humour. La part importante de private jokes barcelonaises en fait un livre encore plus agréable pour un Catalan. Mais nobody's perfect.

17/20 

jeudi 22 octobre 2009

Mission diplomatique

Miles Vorkosigan est petit, et d'une physionomie s'apparentant peu à celle d'un surfeur californien. Son papa étant un grand ponte de la planète Barrayar, ses missions sont plus attribuées par le commun au népotisme qu'à une quelconque rationnalité.
Erreur. Miles est un malin, doublé d'un obstiné. Envoyé avec son dadais de cousin (mais qui porte, lui, si bien l'uniforme) aux grandioses obsèques de l'impératrice mère de l'Empire de Cetaganda, il va être plongé dans une machination complexe dont le but n'est rien moins que de déstabiliser l'Empire.

Cetaganda, de Lois MacMaster Bujold, est de la science-fiction à la sauce bujoldienne. Le héros est, comme d'habitude, abimé de partout à l'extérieur et tout perturbé à l'intérieur. Heureusement, son intelligence dépasse la force de ses ennemis (je ne crois absolument pas en cette théorie). Heureusement pour lui, car les intrigues de l'auteur ont toutes ceci en commun qu'elles sont passablement complexes. Compréhensibles, mais complexes.

A noter que la saga Vorkosigan a été récompensée par deux prix Hugo, pour Miles Vorkosigan (1992) et Barrayar (1993).

Ce roman-ci ne valait pas un Prix Hugo, mais son intrigue policière équivalait largement à un Agatha Christie.

16/20

mardi 13 octobre 2009

Les forces de l'ombre

Les Etats-Unis ont été envahis. Les Panasiates, fidèles soldat de l'empereur céleste, qui règne sur toute l'Asie, ont pris de court l'Amérique. Washington et New-York ont été rasées par les bombes.
Les soldats de l'Empire ont pris possession de l'ensemble du territoire et mettent en place, avec l'aide d'administrateurs expérimentés, la mise en esclavage de la population, la disparition programmée de son éducation et de sa culture, comme ils l'avaient déjà fait en Inde.
Robert Heinlein, signe avec Sixième Colonne, l'un de ses premiers romans. Il a déjà son style vif, dynamique, de grand conteur d'histoire. Heinlein a une idée par page, il ne délaie pas, ses oeuvres sont un condensé de trouvailles qu'il brule sans compter. Hamilton en aurait fait quatre volumes, et l'on n'aurait plus rien méconnu du fonctionnement du moindre appareil de transmission. Heinlein n'a pas de temps à perdre.

Il décrit la mise en place de la résistance avec rigueur. Il est militaire dans l'âme. De ce point de vue, ce livre peut se lire comme une initiation au management de projet : hiérarchisation des priorités, attribution des responsabilités, gestion des hommes, mise en oeuvre, reporting...

L'ouvrage est délicieusement daté, comme l'était déjà Marionnettes Humaines. Un bon film des années 50. Avec des hommes, des vrais, des durs qui ont le sens du devoir.

Un vrai plaisir, comme toujours. Attention toutefois : roman difficile à lacher et risquant donc de provoquer des nuits écourtées.

17/20

PS : Dans la mesure où j'aime bien la contradiction, surtout quand elle est finement amenée, voici une critique du même ouvrage par ActuSF, où l'auteur n'est pas, mais pas du tout, aussi élogieux que moi. Il ne doit pas aimer les vieux films américains... http://www.actusf.com/spip/article-2961.html

jeudi 8 octobre 2009

Petites cellules grises

A quoi reconnaît-on un grand auteur ? A-t-il reçu des prix pour son œuvre ? Est-il au Panthéon national ? Ses livres ont-ils survévu aux siècles ? Laisse-t-il une empreinte émue dans l'esprit de ses lecteurs ?
J'ai un autre critère, supplémentaire : il a un style. Le sien. Reconnaissable en quelques lignes.

Extrait de la nouvelle Enigme en Mer (Problem at Sea) :
"- Messieurs, Mesdames, préluda-t-il avec emphase tout en mêlant à son habitude le français à ses quelques bribes de mauvais anglais, il est fort aimable à vous d'avoir l'indulgence de m'écouter. M. le capitaine vous a signalé que je possède une certaine expérience de ce genre d'affaires. J'ai, il est vrai, ma petite idée quant à la manière d'élucider le présent mystère.
Il fit un signe et un steward se fraya un chemin vers l'estrade pour lui remettre un objet aussi volumineux qu'informe enveloppé dans un drap.
- Ce que je suis sur le point de faire va sans doute vous surprendre un peu, les avertit-il. Vous me prendrez peut-être pour un excentrique, voire pour un fou. Néanmoins, je vous assure que derrière ma folie se cache -comme vous autres Anglais aimez à le dire - une méthode."

A chaque fois que je lis une enquête d'Hercule Poirot (ne me dites pas que vous ne l'aviez pas reconnu), je l'imagine sous les traits de Peter Ustinov, tellement plus proche à mon goût du personnage que le peu ragoutant David Suchet.


Dans le Bal de la Victoire, d’Agatha Christie, on retrouve le célèbre détective belge dans une série d’enquêtes, de qualités inégales par ailleurs. C’est toutefois toujours un plaisir de voir Poirot utiliser ses petites cellules grises et son sens de la psychologie pour confondre les meurtriers. Ses déductions ne tiendraient pas toujours lieu de preuves devant un tribunal. C’est pourquoi il est heureux que le fairplay so british fasse quasi systématiquement avouer son crime au méchant démasqué.

Une lecture plaisir, donc. Les jours se faisant plus court et le temps plus maussade, il est urgent de se réconforter.

15/20

vendredi 2 octobre 2009

L'homme qui a vu l'ours

Il y a des auteurs comme ça, qu'on se garde précieusement, car la lecture de leurs oeuvres donne le moral, rend simplement heureux. On devrait tous en avoir quelques uns, au même titre qu'une armoire à pharmacie bien remplie.
Grâce à W qui me l'a fait découvrir, je compte parmi ces auteurs Jorn Riel. Un écrivain danois qui a écrit des nouvelles sur la vie de chasseurs dans le nord-est groenlandais : dis comme ça, on ne devinerait pas. Et pourtant, c'est drôle, fin et terriblement humain.

Dans La Passion Secrète de Fjordur, on retrouve les trappeurs dans sept petites merveilles de nouvelles.

Parmi ces nouvelles, l'Epreuve de Virilité : le jeune Lasselille déprime de ne jamais avoir réussi à tuer d'ours blanc. Ses camarades vont donc prévoir une habile mise en scène.
Dans Un Cas d'Autodéfense, un fonctionnaire débarque et s'installe dans la cabane de trois chasseurs, supposés se mettre à son service pour l'année qui vient, le temps d'une étude sur la faune locale.
Extrait :
L'inspecteur devint rapidement une vraie plaie. Pernicieux, comme un phlegmon sur l'index ou une poussée d'hémorroïdes. Et ni une intervention rapide avec un couteau de cuisine, ni des bains au savon chaud dans la bassine à faire la lessive ne pouvaient rien contre lui.
Il avait été amené sur la côte par la Vesle Mari et débarqué à Cap Thompson par un capitaine Olsen hilare.
-Eh ouais, les gars, voici la contribution de la science à la face obscure du Groenland, avait-il dit en faisant les présentations. Il est inspecteur et doit recenser les bruants des neiges, et étudier les moeurs sexuelles des boeufs musqués ; voilà ce qu'il va faire, ouais, hé, hé, et puis vérifier à l'occasion si vous vous confirmez bien aux nouveaux règlements de chasse qu'il est en train de concocter.
Et voilà que s'était dressé au milieu des galets de la plage un grand échalas de scientifique vouté, qui fixait les alentours à travers des lorgnons plaqués or 5 carats.

Une lecture que je fais plus que recommander. A lire et relire.

18/20

mardi 29 septembre 2009

Ce matin, un lapin, a tué...

Chasse Sacrée est le troisième livre du cyle de fantasy entamé par Lois MacMaster Bujold, appelé Cycle de Chalion, après le Fléau de Chalion et Paladin des Ames.
Les trois ouvrages traitent d'histoires distinctes, quasiment indépendantes pour les deux premières et totalement dans le cas de la troisième. Seul demeure la logique d'un monde féodal complexe où la théologie tient une place centrale et bien plus concrète que conceptuelle étant donné la tendance des cinq Dieux à intervenir, par le truchement d'individus, plus ou moins directement dans les affaires humaines.

N'ayons pas peur des mots, les deux premiers ouvrages étaient géniaux. Chasse Gardée, le troisième, n'étant que très bon, c'est une demi-déception. L'auteur n'a pas su renouveler l'effet de surprise des deux premiers et ses ficelles sont un peu plus usées.
L'intrigue est très complexe. A tel point que la plupart du temps, ni le lecteur, ni les protagonistes, ne la saisissent pleinement. Le livre terminé, je devrais être en mesure de tout pouvoir expliquer. Je suis toutefois soulagé qu'il n'y ait pas d'interrogation surprise...
"Vous expliquerez pourquoi un guerrier hybride ne doit le salut de son âme qu'au fait que son esprit animal lui soit oté par un shaman au moment de sa mort, à moins qu'un porte-étendard ne soit encore en vie pour prolonger ce délai. Vous avez une heure." Euh...

Que cette légère critique ne vous dissuade pas d'ouvrir le livre. Le style de l'auteur est toujours aussi agréable, rapide (ce qui fait beaucoup de bien après avoir lu notamment du Peter Hamilton) et ses idées fines et bien trouvées. Tout cela demeure un vrai plaisir de lecture.

15/20

PS : Après la série Hamilton, encore un ouvrage édité chez Milady/Bragelonne. Des gens habiles dans la sélection de leurs oeuvres et auteurs, mais qui devraient faire moins d'économies sur les aspects édition et traduction. Cette fois encore, des oublis de mots à répétition, un clair manque de relecture, et un traducteur qui à coup sûr n'est pas la réincarnation de Baudelaire, nuisent (très) légèrement au plaisir de lecture.

mercredi 16 septembre 2009

A fleur de peau

Sous le titre "la Peur" sont regroupées dans un recueil six nouvelles écrites dans les années 20 par Stefan Zweig. Elles sont toutes plus lumineuses les unes que les autres.

Dans la Peur, le tourment d'une femme adultère victime d'un chantage va progressivement l'amener au plus complet désespoir.
Leporella relate la vie d'une paysanne, simple et renfermée, et l'exaltation que va faire naître en elle involontairement le noble qui l'emploie.
La Collection Invisible parle d'une collection rare d'estampes que croît détenir un vieil homme aveugle.

L'ensemble est d'une humanité extrême, exposant la fragilité des êtres et le feu qui peut les consumer, avec tout l'art de Zweig pour exprimer sobrement et si finement les humeurs de l'âme.

18/20

Orient compliqué

A la FNAC Saint Lazard, j'ai sympathisé avec plusieurs vendeurs aussi éclectiques dans leurs goûts que sympathiques.
L'un d'eux, particulièrement gentil, est hélas devenu ma Némésis littéraire. L'Ombre du Vent, de Carlos Ruis Zafon, avait été pénible. Fictions, de Borges, me fit remettre en doute mon intérêt pour la lecture. Spin, de Robert Charles Wilson, m'a quasi-amené à désavouer la science-fiction comme genre littéraire. Mais la semaine dernière, il a failli m'achever, me persuadant de me plonger dans La Danseuse d'Izu, de Yasunari Kawabata, prix Nobel de littérature 1968.
La Danseuse d'Izu, un étudiant qui voyage en compagnie d'une troupe de théâtrale l'a bien remarquée. Ils échangeront quelques mots, ainsi qu'avec les autres forains. Et après une étape dans une petite ville, où l'on chante et joue au go, l'étudiant repartira en bateau, un peu triste.
Il y a aussi cet homme qui aime les animaux de compagnie, mais est assez maladroit avec ses oiseaux et n'arrive pas à les conserver en vie.
Ou cette femme qui a perdu son mari, décédé de la tuberculose et se remarie (La Lune dans l'Eau, cf. l'extrait).
Une autre parle à un arbre, se persuadant que son ami s'y est reincarné. Si la chose est avérée, je plains la pauvre plante incapable de s'enfuir.
Il ne se passe rien. Rien. J'ai bien cherché. De temps à autres, j'avais envie d'hurler : "pourquoi ???" J'avoue ma totale insensibilité par rapport à tous ces beaux textes. Une telle inanité me fut quasiment douloureuse. Il y a des fossés culturels qu'on ne peut sauter.

Extrait (La Lune dans l'Eau, page 122) :
"Un matin de mai, la jeune femme entendit à la radio des chants d'oiseaux des bois, enregistrés dans une montagne proche de son lieu de séjour, avant la mort du malade. Quand elle eut accompagné son second mari jusqu'à la porte, elle sortit son nécessaire pour y refléter le ciel clair, selon son habitude d'autrefois. C'est alors qu'elle fit une découverte surprenante : on ne connaît que le reflet de son visage ; ces traits qui vous sont personnels, uniques, vous demeurent invisibles. On se touche la figure chaque jour, comme si les traits que renvoie le miroir étaient ceux de votre vrai visage...
Quelle signification donner au fait que le Créateur ait façonné les hommes tels qu'ils ne puissent contempler leur propre visage ? Kyoko resta songeuse un long moment." 

Je ne note pas. Je n'en ai plus la force.

mercredi 9 septembre 2009

Space Soap Opera

Argggg... Deux tomes de plus... 1500 pages... Quand on aime, on ne compte pas, mais toutefois là j'ai un peu compté.
Je parle des deux derniers tomes de la saga de Peter Hamilton, l'Etoile de Pandore : Judas Déchaîné et Judas Démasqué.
L'action s'emballe dans le 4e tome. Tant mieux, c'était maintenant ou jamais. On comprend mieux la longue (et légèrement pénible) équipée en planeur au-dessus de la planète Far Away. Ca console du sentiment d'injustice profond lors de sa lecture durant le tome 1.


En revanche, j'ai vu rouge. Et même rouge écarlate. Car de deux choses. Ou bien l'auteur termine l'histoire en ayant oublié un pan (significatif) de l'intrigue ou bien durant la traduction ou l'édition une partie du manuscrit a été oubliée. Je penche très fortement pour la seconde option, étant donné le caractère méthodique de Hamilton. Ma meilleure équipe tente en ce moment de contacter l'éditeur pour en avoir le coeur net.


Les rapports humains sont toujours aussi mal décrits, ce que les scènes d'action, bien amenées, compensent partiellement.
La seule chose qui me console est que la fin, même si j'avais eu ma fameuse partie manquante, n'en est pas vraiment une : les ennemis ne sont pas vraiment détruits, les problèmes auxquels l'humanité doit faire face peu ou pas tranchés, les quêtes individuelles se poursuivent. Je redoute un tome 5 mais n'ose y croire. Il est en tous cas possible.

Tout ça pour ça... bref j'arrête de tirer sur l'ambulance. Ce n'est pas ma faute, on m'a gaché la fin de mon film, ça me rend grognon.


11/20 (bien fait)

mardi 1 septembre 2009

Objets inanimés, avez-vous donc une âme ?


L'Homme Bicentenaire est un recueil de nouvelles du grand Isaac Asimov, traitant en grande partie de robots. Les robots dépeints par Asimov ont pour particularité première et partagée d'obéir à trois lois célèbres :


1. Un robot ne peut porter atteinte à un être humain, ni, restant passif, permettre qu'un être humain soit exposé au danger.
2. Un robot doit obéir aux ordres que lui donne un être humain, sauf si de tels ordres entrent en conflit avec la première loi.
3. Un robot doit protéger son existence tant que cette protection n'entre pas en conflit avec la première ou la seconde loi.


Deux nouvelles de ce recueil tournent notamment autour d'un thème philosophique cher à l'auteur : qu'est-ce qui définit un être humain ?
Un robot qui se trouve, par hasard, doté du don de la créativité, va tenter de parcourir le chemin séparant l'homme de la machine : acquisitions de droits par le biais de décisions juridiques, organes et fonctionnement se rapprochant du corps humain, accession à la liberté... Dans un cheminement "à la Descartes", Asimov amène l'auteur à s'interroger sur ce qui définit l'homme. Avec une grande simplicité, beaucoup de tendresse et de sensibilité.
Tout le monde devrait lire un peu d'Isaac Asimov de temps en temps. J'ai toujours l'impression d'en sortir meilleur.
Pas de note, je suis trop biaisé.
PS : Oui, il y a un film éponyme de Chris Columbus avec Robin Williams, sorti en 2000. Je ne l'ai pas vu. Asimov n'aimait pas les adaptations de ses oeuvres au cinéma. Globalement, il n'aimait pas la logique des grands studios. Comme il le souligne en préface d'une des nouvelles de ce recueil.
"La violence est le dernier refuge de l'incompétence", écrivait-il. Je ne suis pas persuadé qu'il aurait apprécié le film "I, Robot", adapté également de son oeuvre.

mardi 25 août 2009

Alter ego


Lire un Tonino Benacquista, c'est déguster une petite gourmandise. De celles qu'on laisse pour la fin du repas, pour la déguster une fois rassasié. Elle passe toute seule, trop vite. Dans le cas de Quelqu'un d'Autre, la gourmandise est passée beaucoup trop vite. J'irais même jusqu'à me demander si par hasard on ne m'aurait pas volé ma fin.

Pour faire référence au billet précédent, autant Hamilton sait décortiquer un champ de force et un générateur à plasma, mais n'a jamais pu forcer la couche de l'épiderme, autant Benacquista nous fait plonger dans les tourments des âmes avec une facilité déconcertante.
Thierry et Nicolas se sont rencontrés sur un cour de tennis. Ils ont poursuivi le match tardivement autour de petits verres de vodka. Pas vraiment malheureux, pas vraiment paumés, la quarantaine insatisfaite, ils se lancent un pari : changer de vie et se retrouver trois ans plus tard au même endroit.

L'un va revivre grâce à l'alcool, source d'épanouissement, de réussite professionnelle et sentimentale, jusqu'à ce que la quantité de sang dans l'alcool atteigne une certaine limite. L'autre va organiser sa disparition et sa renaissance : nouvelle identité, nouveau visage, nouveau métier...
La question sous-jacente : Peut-on devenir un autre, ou finit-on toujours par retomber sur soi ?
Je regrette fort une fin trop rapide à mon goût, peut-être faute d'inspiration, mais qui ne doit pas empécher de se plonger dans cette histoire où le talent de conteur de Benacquista demeure toujours un plaisir.

14/20

mardi 18 août 2009

La curiosité est un vilain défaut


L'humanité a colonisé plus de 600 planètes de notre galaxie, se développant selon une logique concentrique. Point de vaisseaux spatiaux, il a été découvert bien plus simple : un réseau de "trous de ver" ou vortex, permet de se déplacer quasi instantanément entre les planètes colonisées. Ajoutons à cela que l'homme a atteint une quasi immortalité : sa mémoire, sauvegardée, est stockée dans des cliniques, ce qui permet en cas de pépin de refaire un corps où sera reinstallée la mémoire en question. Chirurgie esthétique de pointe, techniques de rejuvenation des corps, implants divers offrant l'accès instantané et rétinien à toute la technique désirable ainsi que des améliorations physiques. L'Homme est beau, l'Homme est jeune. Et il est globalement devenu excessivement paisible.
On est toutefois encore fort loin du Paradis. L'argent rêgne en maître sur ces mondes. Les Grandes Familles, à la tête de planètes entières, font et défont les gouvernements et administrations.

Le hasard a voulu qu'un sombre astronome pointe son télescope vers deux étoiles, situées à 1000 années lumière. Et que ces étoiles brusquement (c'est à dire 1000 ans avant), soient enfermées autour d'un champ de force.
Comment résister à l'envie d'aller voir ce qui s'est passé ? Qui est responsable de cet emprisonnement gigantesque ? Et qui a bien pu être emprisonné ?

La Boite de Pandore.

Peter F Hamilton est réellement doué pour écrire du space opera. Il prend son temps, c'est le moins qu'on puisse dire, à la vue des 1400 pages des deux premiers tomes. Il met en place habilement un monde complexe, une galerie de personnages on ne peut plus riche, où chacun va venir progressivement prendre sa place dans son grand dessein. Pandore Abusée et Pandore Menacée représentent un très bon divertissement, qui sans toucher au génie, reste de très bonne facture. Les descriptions techniques (voyages spatiaux, scènes d'exploration, salles de contrôle...) sont magistrales.
En revanche, et malgré tous mes efforts (et ceux de l'auteur), pas moyen de s'attacher au moindre personnage. Les descriptions froides, quasiment cliniques, de Hamilton, s'adaptent à la grande fresque mais ne permettent pas de pénétrer l'humain. C'est extrêmement dommage.
Le deuxième tome s'achève sur le meurtre d'un personnage que l'on a suivi depuis un bon moment, dont on connaît le parcours, les motivations. Pourtant, j'ai eu beau me faire violence, je n'ai pas ressenti l'ombre d'une émotion. Les nobles sacrifices, les chagrins profonds, Hamilton les évoque, mais il ne sait les faire partager.

Un bon divertissement que je vous conseille si vous aimez les space opera et que vous avez du temps (l'ensemble de la saga représente tout de même quatre pavés).

14/20

vendredi 17 juillet 2009

Le Bien Aimé


Bien Aimé par moments, honi à d'autres, Louis XV eut la tâche difficile de prendre la suite de son arrière grand-père, le Grand. Il n'en avait visiblement pas envie. Mal à son aise à Versailles, il en respecta tant l'architecture que l'étiquette par respect pour son illustre prédécesseur. "Je n'aime pas défaire ce que mes pères ont fait".

Egalement par respect, il se conforma scrupuleusement à l'adresse que lui avait faite le grand roi avant de s'éteindre :
"Mignon, vous allez être un grand roi, mais tout votre bonheur dépendra d'être soumis à Dieu et du soin que vous aurez de soulager vos peuples. Il faut pour cela que vous évitiez autant que vous le pourrez de faire la guerre : c'est la ruine des peuples. Ne suivez pas le mauvais exemple que je vous ai donné sur cela : j'ai souvent entrepris la guerre trop légèrement et l'ai soutenue par vanité. Ne m'imitez pas mais soyez un prince pacifique, et que votre principale application soit de soulager vos sujets."

Une volonté première de rapprochement avec la perfide Albion qui amena la France à guerroyer contre son allié espagnol. Des traités de paix désastreux, qu'ils suivent des victoires (Fontenoy) qui ne rapportèrent qu'au roi de Prusse, ou des défaites (le traité de Paris, privant le royaume du Canada, de la Louisiane et de ses comptoirs indiens). Des Parlements conservateurs, rétifs à toute tentative réformiste. Et face à tout cela un roi brave à la guerre mais peu décidé, changeant bien trop fréquemment de ministres pour le suivi d'une politique (écoute-t-on sa favorite, même si elle a le charme et l'esprit de Madame de Pompadour, pour faire ou défaire un cabinet ministériel ?).
Ne seraient dans les quatre dernières années de règne le trio Maupeou, d'Aiguillon, Terray, qui remit le royaume en ordre et les parlements au pas, bien trop tard, le bilan politique serait peu enviable. Ces dernières années, trop courtes et tardives, n'empècheront pas d'ailleurs les germes de la Révolution de se développer.

François Bluche, dans sa biographie de Louis XV, narre tout cela dans une composition élégamment construite, thématique plus que chronologique. L'historien fait froidement et objectivement son travail. On est à l'opposé de l'anecdote piquante et supposée, narrée avec force couleurs par Max Gallo. Toutefois, derrière la rigueur de son oeuvre, l'auteur s'autorise avec bonheur de temps à autres quelques sourires.
Extrait : "Sa Majesté est informée de l'âge de ses limiers et de ses chiens courants. Elle en connaît les noms, les qualités, les manques. A la limite, Louis XV aurait pu se passer de grand veneur."

Un beau livre, brillamment écrit, toutefois ardu de par sa richesse, son austérité relative et son luxe de détail pour l'amateur que je suis.

15/20

jeudi 2 juillet 2009

Janua Vera


Sous ce titre énigmatique, Janua Vera, se cache un recueil de nouvelles. L'auteur, Jean-Philippe Jaworski, écrit en français. C'est un réel plaisir que de lire un livre dans sa version originale et non une traduction. Plaisir décuplé lorsque l'auteur manie aussi bien la langue de Molière. Après Damasio, voici le deuxième auteur francophone cette année dont je tombe amoureux du verbe.
Le livre est un recueil de nouvelles. Indépendantes, elles forment néanmoins une peinture d'ensemble du Vieux Royaume, dans ses différentes provinces et la diversité de ses habitants.
Le Vieux Royaume n'est pas un simple univers médiéval. Il répond aux codes de l'Heroic Fantasy. Il n'y a que le lecteur qui n'a pas été mis au courant. C'est pourquoi la première mention d'un acte de magie, ou l'évocation de la présence d'Elfes, n'en est que plus inattendue.
Jaworski sait manier l'épique aussi bien que la farce. Il y en a qui ont tous les talents. L'art de la nouvelle est pleinement maîtrisé, art de concision, de rebondissements et sans cesse de renouvellement.
Une très belle lecture, à ne pas manquer. Le Cafard Cosmique (http://www.cafardcosmique.com/), pour lequel mon respect va croissant, lui décerna d'ailleurs son prix 2008

17/20

PS : Si après cela, l'envie vous prend de relire quelques autres recueils de nouvelles, vous pouvez (re)lire par exemple les Histoires Fantastiques d'Edgar A. Poe (traduites en français par Baudelaire, s'il vous plait), le K de Dino Buzzati, ou Tierra del Fuego de Francisco Coloane. Il y en aurait tant d'autres, mais ces trois-ci ont des places de choix dans mon Panthéon personnel.

mercredi 17 juin 2009

Au commencement étaient les épices


Au commencement étaient les épices. Ainsi commence la biographie de Magellan par Stefan Zweig. Les épices, si chères au goût des Européens, qui avant leur découverte mangeaient des plats d'une extrême fadeur. Epices dont ils ne purent plus se passer.
L'ennui est qu'elles venaient de loin, récoltées à l'autre bout du monde par des esclaves malais, échangées à Malaka, amenées en jonques aux comptoirs indiens, puis jusqu'en Arabie où elles étaient transportées en caravane jusqu'en Egypte ou en Syrie, avant d'être chargées sur la flotte commerciale vénitienne et vendues aux marchands européens, une fois arrivées. Autant dire qu'avec autant d'intermédiaires, elles n'étaient pas données. Et que l'or et l'argent, faute de marchandises de valeur équivalente, étaient inexorablement attirés vers l'Orient. De là à justifier une Croisade...
Mais les Croisades ne permirent pas aux Occidentaux de se libérer le passage vers l'Océan Indien.

C'est là que les découvreurs intervinrent. Une race de marins hors du communs, en cinquante ans, changèrent la connaissance que l'homme avait du monde. Colomb, Cabot, Vasco de Gama, Bartholomeu Diaz, Americo Vespucci. Leurs noms sont restés gravés dans l'Histoire. Une génération unique.

Le passage du Cap de Bonne Espérance devint en quelques années une formalité. Le Pape accorda aux Portugais toutes les terres qu'ils découvriraient à l'Est et aux Espagnols à l'Ouest de l'Europe. Les îles aux épices revenaient mécaniquement ainsi aux Portugais. A moins qu'il ne soit possible de "faire le tour" et de les prendre à revers.
C'est ce que Magellan va offrir au roi d'Espagne, l'empereur Charles Quint. Il va ainsi partir à la tête d'une armada de cinq vaisseaux pour ce qui fut à l'époque la plus grande exploration de l'histoire de l'humanité : un tour du monde. Encore fallait-il non seulement que la terre soit ronde, n'en déplaise à l'Eglise et comme l'avait décrit Ptolémée dès le premier siècle avant l'ère chrétienne. Mais il fallait également qu'il existe un passage entre le continent américain et l'Antartique, permettant de relier l'Atlantique à l'Océan Indien. Qui aurait pu deviner que non seulement ce passage, le futur détroit de Magellan, existait, mais qu'il débouchait sur l'immensité du Pacifique ?
Pour mener une telle expédition, entouré d'hostilité car Portugais au milieu d'Espagnols, il se trouva un homme aux qualités hors du commun.
Sa biographie, sublimement racontée par Zweig, sans effets de style superflus, ne se lit pas mais se dévore.

19/20

mardi 16 juin 2009

Coucher de Soleil


L'Hiver du Grand Roi, second tome de la biographie consacrée à Louis XIV par Max Gallo, narre le rêgne de Louis XIV à partir de son installation à Versailles. Il a 40 ans et des angoisses métaphysiques. Ces dernières se traduisent par un mariage (secret) avec Madame de Maintenont, qui restera à ses cotés jusqu'à la fin. Et comme elle se fait attendre, la fin, pour ce monarque. 77 ans. Il enterre fils, petits-fils et arrières petits-fils, à l'exception du duc d'Anjou, futur Louis XV.
Les conditions climatiques n'étaient pas idéales, l'hygiène à revoir, mais la grande faucheuse bénéficiait principalement, il faut le souligner, de l'aide des médecins. Rien de tel pour un malade que de bénéficier de quelques saignées et lavements pour être définitivement guéri.
Max Gallo insiste fortement sur le fait que la Princesse Palatine, épouse de Monsieur, frère du Roi, n'a dû sa longévité qu'à son refus systématique d'appliquer les conseils de la Faculté. Et le petit duc d'Anjou encore bébé ne dut son salut qu'au fait que les médecins étaient trop occupés à tuer son frère ainé à coups de lavements à la rhubarbe, et à son énergique nounou qui ne le laissa point tomber entre leurs doctes mains.
Autre point fort intéressant du livre, l'évolution du Roi, son rejet progressif de la guerre, lui qui la prisa tant dans sa jeunesse. Un monarque bénéficiant de la force de ses jeunes années et de la sagesse de la vieillesse... quelle belle chimère.
Ma critique précédente demeure à mes yeux valable. Les effets de style ne sont pas de la plus grande finesse et l'auteur prend nombre de petites libertés historiques afin de donner de la couleur à ses anecdotes.
Toutefois, ce tome-ci fait un peu plus frétiller les neurones en termes d'agitation d'idées. Je conseille donc et signe.

16/20

PS : Un point m'a fait particulièrement tiquer, de même qu'Heliosse (http://heliosse.virginradioblog.fr/heliosse/2008/03/louis-xiv-le-ro.html). L'auteur évoque de possibles abus sexuels commis sur la personne du roi dans son jeune âge par Mazarin. Il ne l'affirme pas, et de fait il n'a pas de preuve. Toutefois, il insiste lourdement sur le sujet, et dans les deux tomes. Exemple parmi d'autres d'une rigueur historique parfois relative, sacrifiée sur l'autel de l'anecdote frappante.

mercredi 10 juin 2009

Lever de Soleil


Louis XIV, le Roi Soleil, tome 1 de la biographie du grand roi par Max Gallo, n'est pas la plus belle biographie historique qui soit. Max Gallo aime disséquer les caractères, mais son approche psychologique des personnages est à Stefan Zweig ce que Gérard Krawckzyk est à Marcel Pagnol.
Tout ça se lit bien, très bien, même, bien que le style soit d'une pauvreté rare ; J'ai renoncé à compter le nombre de fois où l'auteur assène en fin de paragraphe son définitif "Il est le roi". Tadaaaaam, roulements de tambours.
Max Gallo est de surcroit d'une rare partialité pour un historien (comme il le sera à nouveau dans ses deux tomes plus récents sur la Révolution Française). Il ne tente à aucun moment, par exemple, de défendre Nicolas Fouquet. La reine Marie-Thérèse est expédiée en quelques lignes. Et le détail des faits laisse le plus souvent la place à l'anecdote romancée. L'ensemble donne un résultat coloré, mais peu rigoureux.

Louis XIV ne s'impose qu'au décès de Mazarin. Conscient de n'avoir de rendre de comptes qu'à Dieu, il fait la guerre, sans craindre de s'exposer, danse au milieu des ballets, et choisit sa favorite d'un soir sans se soucier du qu'en dira-t-on. "Il est le roi".

Le tome 1 s'arrête alors que Louis XIV, à 40 ans, s'installe définitivement à Versailles. Perturbé par le décès de proches, notamment de nombre de ses enfants, il va se tourner dorénavant vers la religion, délaissant la dévergondée Montespant pour la bigote Maintenont. Ca, c'est le tome 2, et j'en parlerai la semaine prochaine.

En résumé, un excellent livre historique "de gare", ce qui n'est pas un défaut.

14/20

mardi 2 juin 2009

Une reine bien trop légère


Nicolas Le Floch doit à nouveau défendre les intérêts de la Couronne. Dans le Noyé du Grand Canal, de Jean-François Parot, nouveau tome (le 8e, déjà...) des aventures du petit marquis breton devenu commissaire au Chatelet et confident du Roi, l'intrigue tourne autour du vol d'un bijou porté par la Reine. Bijou ô combien sensible dans la mesure où il peut également servir de passe-partout pour les portes de ses appartements.
Le Duc de Chartres est un jaloux et un intriguant. On ne se refait pas. Le Comte de Provence également. Avec un tel cousin et pareil beau-frère, l'honneur de la Reine, qui prête de surcroit tant le flanc à la critique, ne peut être qu'entre de mauvaises mains et les panflets, et les quolibets, fleurissent dans un Paris persifleur pour la plus grande joie de la perfide Albion.
L'enquête est agrémentée, comme à l'habitude, de la description détaillée de mets "de l'époque", qui donnent au foie du héros une place centrale dont la résistance n'a d'égale que son obstination dans la poursuite des épineuses enquêtes auquelles il se frotte.
Beau cours d'histoire où l'on rencontre Mesmer le magnétiseur, Restif de la Bretonne, poète et oiseau de nuit, et nombre d'autres personnages historiques, habitués de la série (Sartine, ministre de la Marine, Le Noir, lieutenant général de police) sans oublier la famille royale.

Parot est sans conteste un habile historien et certainement un fin gourmet. Je maintiens avoir plus de doutes sur ses qualités en tant qu'écrivain policier. L'ensemble est agréable, s'avale rapidement et sans indigestion. Les ficelles sont hélas bien grosses et le plus naïf des lecteurs aura compris plusieurs chapitres avant le héros qui est le coupable. C'est dommage, mais pas rédhibitoire.

Je vous le conseille pour le train, lors d'un départ en vacances estivales. Vous n'arriverez pas stressés.

13/20 (parce que j'aime manger)

PS : La série a nombre de fans, suffisamment d'ailleurs pour avoir justifié une adaptation télévisuelle de certaines enquêtes. Je suis persuadé que vous trouverez de multiples critiques plus élogieuses que celle-ci.

lundi 18 mai 2009

Gentille histoire et petits dessins


Il est difficile d'apprécier un style littéraire "classique" après avoir lu Damasio, magicien du verbe. Tomber directement dans Abarat tome 2, Jours de Lumière et Nuits de guerre, de Clive Barker, donne à peu près le même sentiment que de manger un sunday au chocolat après une poularde truffée. On n'a pas seulement changé de catégorie, on ne joue plus du tout dans le même monde.

Pauvreté du style. Idées fortement récupérées du tome 1, qui n'était déjà pas un monument. Littérature jeunesse qui se cherche, avec un auteur qui aimerait bien gagner autant d'argent que JK Rowling. D'où plusieurs tomes. Le 3 serait sorti et le 4 serait en gestation. Vous noterez le conditionnel soulignant mon peu d'appétence pour le sujet.
Finissons-en rapidement : Candy Quackenbush, toujours dans l'Abarat ce monde parallèle composé d'îles, s'oppose vigoureusement au Seigneur des Ténèbres. Ne porte-t-elle pas en effet en elle la Lumière, apportée à sa naissance par les soeurs du Fantomaya ? Accompagnée de ses fidèles amis, qu'elle connaît à peine mais à qui elle tient tant, elle part en guerre. La psychologie des personnages secondaires n'étant pas creusée le moins du monde, et même celle de l'héroïne ne répondant qu'aux plus plats stéréotypes de l'adolescente du Middle West, le suivi des aventures des protagonistes est d'une fadeur rare. Leur mort (car on meurt, parfois) l'est tout autant.
Il y a des dragons, des monstres gentils ou méchants, de la magie en quantité raisonnable, et énormément d'invraisemblances qui ne permettent absolument pas de prendre ce monde parallèle au sérieux. Sous couvert d'onirisme, c'est du grand n'importe quoi. L'auteur n'a pas su/voulu donner au départ une logique interne à son monde. Il rame désespérément dans ce deuxième tome pour essayer d'y mettre un peu de rigueur, de structure. L'ensemble tombe à plat.
NB : A noter que l'auteur illustre le récit tout du long, de sa blanche main. Il ne devrait pas.

7/20

lundi 4 mai 2009

De l'air


La Horde du Contrevent, d’Alain Damasio, Grand Prix de l’Imaginaire 2006, est une œuvre magnifique, inclassable, superbement écrite, totalement intraduisible. Je remercie à nouveau Hyppolite de me l'avoir fait découvrir.

Le roman est avant tout une aventure littéraire tant son auteur sait jouer avec les mots, décrire avec une précision de chirurgien le souffle du vent de mille façons différentes, et avec un art que Queneau n’eut pas renié, adopter à tour de rôle tous les styles de langue, faisant s’exprimer tour à tour les personnages si divers de sa Horde.

La Horde, vingt-trois hommes et femmes entrainés depuis l’enfance à remonter face au vent, à pied, toute leur vie, vers l’extrême-amont, l’origine des vents et du monde. Leur objectif : être les premiers à atteindre ce mythique extrême-amont, s’il existe, afin d’en rapporter la connaissance : jardin d’Eden, cosmos infini, antre des Dieux…
Dans un monde où les progrès des machines à voile sont considérables, eux marchent. Inexorablement. La quête doit être faite à pieds. Le but est dans le chemin.
Outre les éléments, des hommes déterminés s’opposent à leur avancée.

Et petit à petit, les vingt-trois prennent chair. Avec leurs cotés lumineux et sombres. Toutefois, qu’importent leurs individualités : il n’y a qu’en groupe qu’ils peuvent réussir, soudés.

La beauté du texte, les talents de conteur de l’auteur, l’originalité de l’histoire, livre-monde, nombreuses sont les raisons justifiant d'ouvrir ce roman. Sans la moindre hésitation.
A savoir : Si vous l'achetez en édition grand format, un CD accompagne le livre, proposant des airs musicaux adaptés aux différents passages du récit.
http://www.lahordeducontrevent.org/, site présentant l'ouvrage, vous apportera de nombreuses informations complémentaires sur le gigantesque travail qu'a représenté l'écriture de ce roman. Toutefois, je ne saurais trop vous conseiller de ne pas vous gacher le plaisir de la découverte, et de commencer par ouvrir le livre.

jeudi 16 avril 2009

Régime Sec


Sur les conseils de mon amie Lili, je me suis plongé dans Déboire, d'Augusten Burroughs. Ecrit à la première personne, et fortement autobiographique, le roman relate la vie d'Augusten, jeune et beau créatif dans une agence de publicité new-yorkaise. Augusten cumule les récompenses dans son travail et gagne très bien sa vie. Le soir, il enterre la journée avec son pote Jim, dans les bars branchés de la Grosse Pomme.
L'ennui, c'est qu'Augusten enterre trop, et enterre tous les soirs. A vrai dire, Augusten a développé un tel penchant pour l'alcool, qu'il en est maintenant totalement dépendant. Il pue l'alcool, plane durant la journée, manque ses réunions clients et fait tant et si bien que son agence lui donne le choix entre la porte et la cure de désintoxication. Il choisit cette dernière. Dans un centre gay, tant qu'à faire, afin de favoriser d'éventuelles rencontres. Il va se rendre compte qu'on ne se débarasse jamais totalement de son alcoolisme.
Un livre par moment très drôle, souvent très sombre, mais toujours profondément humain. Augusten Burroughs écrit superbement, et sa traduction en français est de très bonne qualité. Beaucoup de superlatifs donc, pour ce livre qui ne vous fera plus considérer un verre d'alcool de la même manière.

Extrait : Augusten, de retour de sa cure, retourne à son agence :
"C'est mon premier jour à l'agence et déjà, je dois gérer un truc de picole. Pondre une campagne sur la bière n'est pas en boire, mais c'est très certainement la glorifier. Je vois d'ici la bouteille verte posée sur le fond blanc et éclairée par derrière, entourée de réflecteurs pour magnifier les perles d'humidité. Malheureusement, nul besoin d'un grand effort d'imagination pour me voir ensuite lécher la capsule, boire la bière éventée et être viré pour m'être cassé la figure sur le Hasselblad.
Je vais devoir être prudent, plus que prudent. Je vais devoir me comporter comme si je me trouvais dans une zone à haut risque, en train de travailler sur le virus Ebola."

Une lecture donc que je vous recommande.

17/20

vendredi 3 avril 2009

Histoires Juives


Le Club des Policiers Yiddish, de Michael Chabon, est un roman difficile à classer. Par son côté uchronie, il est souvent comparé à Philippe Roth et son Complot contre l'Amérique, une Amerique où Lindbergh gagne les élections contre Roosevelt et instaure un régime fascisant Outre Atlantique. Il pourrait être également fait un parallèle avec Le Maître du Haut Château de Philippe K Dick, qui décrit une réalité où l'Allemagne et le Japon ont gagné la Seconde Guerre Mondiale.
Ici, l'uchronie se fonde notammennt sur la mort née d'Israel en 1948. Massacres. Juifs rejetés à la mer. Les Etats-Unis concèdent à ces apatrides et aux survivants d'Europe de l'Est une terre, en Alaska, pour soixante ans. Au jour où le roman commence, le délai est quasiment écoulé, le territoire va être rétrocédé, et une majorité de Juifs expulsés.

L'histoire dans l'histoire est policière. Noire. Le héros est un flic fatigué. Il boit trop et se laisse aller depuis quelques temps. Il faut dire qu'il a des circonstances atténuantes. Son père, survivant de la Shoah, s'est suicidé. Sa mère est morte d'un cancer. Sa soeur vient de s'écraser aux commandes de son avion. Lui s'est séparé de sa femme, après la perte de leur bébé, atteint d'une maladie héréditaire typiquement ashkénaze. Dans l'hôtel crasseux où il loge, un junkie vient de se faire descendre. Il est retrouvé face à un jeu d'échec, une balle dans la tête. Il va falloir à l'inspecteur Meyer Landzman beaucoup d'obstination pour mener son enquête, alors que très haut au-dessus de lui, il serait visiblement apprécié qu'elle soit définitivement enterrée.
Cette histoire politico-policière, par ses images pitoresques, son gris glaçant, et son enchevètrement d'intrigues, m'a rappelé le très bon American Tabloid de James Ellroy, roman de chevet pour quiconque apprécie la période Kennedy et les récits mafieux.

La toile de fond de tout cela est juive. Juive comme tous les personnages, à part quelques Gentils perdus dans ce monde hermétique, dont de gros lourdauds yankees, élevés au maïs texan, aussi droits dans leurs bottes que le héros est torturé dans les siennes. Le pincement au coeur se situe là : comme dans la lecture d'Isaac Bashevis Singer, de Sholem Alekhem ou de Sholem Ash. Le district juif de Sitka est un gros shtetl, où tout le monde se connaît. On y mange yiddish, parle yiddish, pense yiddish. Une certaine innocence a disparu, toutefois. Des souterrains ont été creusés sous la ville, pour le jour où les pogroms recommenceront.
Mais ce roman noir n'est aussi qu'un rêve de l'auteur. Car le monde yiddish a disparu, son histoire a été effacée, gommée de l'Histoire. Il ne reste qu'un goût de struddle nostalgique, que certains auteurs de talent savent encore cuisiner.

mercredi 25 mars 2009

Des morts si vivants


Encore du Neil Gaiman ??? Ca devient un blog thématique, ce n'est pas possible.
Je demande pardon pour cela.
Mais l'Etrange Vie de Nobody Owens est un roman qui m'a littéralement captivé.
Littérature jeunesse, pour les plus de 13 ans, c'est un roman une fois de plus qui s'adresse à tous. D'ailleurs, que ne peut-on lire à 13 ans ? Pas grand chose. N'est-ce pas un âge de maturité religieuse ?
Nobody, comme il sera appelé plus tard par sa famille adoptive, a bien moins que 13 ans, lorsqu'il échappe à l'assassin qui vient de tuer froidement à coups de couteau ses parents et sa soeur. Il n'a qu'un an et demi. Il est allé ramper jusqu'au cimetière voisin, totalement inconscient de la tragédie qui vient de se dérouler. Et là, il va être sauvé par ceux qui vont devenir sa famille d'adoption, cédant au plaidoyer du spectre de sa mère.
Les morts vont l'accueillir et le cacher. L'élever et le protéger. Heureusement, car ceux qui veulent la mort de Nobody ne sont pas du style à baisser les bras.
Dans ce magnifique roman, comme dans les Noces Funèbres de Tim Burton, les morts sont bien plus humains que les vivants.
Ce livre déborde de sensibilité, d'humanité, de trouvailles également. Je ne peux être que dithyrambique.

Je n'ai pas trouvé de mauvaises critiques. Je vous livre donc les plus belles à mes yeux :
« Le Livre du cimetière est d’une imagination sans fin, magistralement raconté et, comme Bod lui-même, trop brillant pour tenir en un seul endroit. C’est un livre pour tous. Vous l’aimerez à mort. », Holly Black, co-auteur des Chroniques de Spiderwick
"Si on devait juger de la qualité d'un roman au nombre de stations de métro ratées (ce qui est, je trouve, un critère assez objectif), ce roman remporte la palme haut la main : j'ai raté 5 stations de métro à cause de lui." (http://happyfew.hautetfort.com/archive/2008/12/03/leave-no-path-untaken.html)

mercredi 18 mars 2009

La chose dans le noir et la petite fille


Coraline, de Neil Gaiman, est un roman pour enfants (je dirais, à partir de 12 ans). C'est surtout un livre fantastique, qui respecte tous les codes du genre, instaurés depuis Prosper Mérimée et sa Venus D'Ille.
Coraline Jones vient d'emménager dans une grande maison avec ses parents. Comme toute bonne petite fille, c'est une exploratrice. Elle ne met pas longtemps à remarquer que la porte théoriquement condamnée, dans le grand salon, débouche sur un couloir sombre et fort inquiétant, où une créature vieille et mauvaise n'aurait jamais dû être réveillée.

"- Je peux aller dans le grand salon ?
C'était là que les Jones entreposaient les meubles coûteux (et inconfortables) que la grand-mère de Coraline leur avait légués à sa mort. Coraline n'avait pas le droit d'y entrer. Personne n'y allait jamais. La pièce était réservée aux jolies choses. "

Le jour où les parents de Coraline disparaissent, elle doit se rendre à l'évidence : elle seule peut les secourir. Elle part alors à leur recherche en traversant le couloir sombre.

Un moment de bonheur que je vous invite à partager.

16/20

PS : je constate qu'un film d'animation adapté du livre sort en France le 10 juin prochain.

jeudi 12 mars 2009

Abarat


Il arrive qu'un "maître de l'horreur" ait envie d'écrire pour les enfants. C'est le cas de Clive Barker, avec Abarat. Même si la distinction entre littérature jeunesse et littérature tout court va s'amincissant (ce dont on remercie notamment Harry Potter), il n'y a ici aucun doute sur le côté de la barrière où l'on se trouve.
L'histoire ressemble à une sorte de Magicien d'Oz. L'héroïne, Candy, bien malheureuse dans son état du Midwest natal, n'ayant jamais quitté sa ville, Chickentown, où tout sent le poulet, va se retrouver emportée dans un royaume fantastique où des aventures extraordinaires vont lui arriver.
Royaume constitué d'îles. Chaque île étant une Heure. Le soleil est toujours à son zénith sur l'île qui correspond à midi, si vous voyez le principe.

Fantastique, j'aime.
Onirique, j'ai plus de mal.

Le monde où Candy évolue ressemble définitivement plus à un rêve qu'à une autre réalité.
La cohérence y manque beaucoup. A vrai dire autant que dans le Magicien d'Oz ou Alice au Pays des Merveilles.

De belles idées et l'âme de poête de son auteur font toutefois passer un agréable moment dans cette succession de tableaux que constitue le périple de la jeune fille. J'ai acheté le tome 2. Comme quoi, je n'ai pas tant détesté que ça.

12/20

mardi 3 mars 2009

Un peu plus loin des étoiles


Spin, de Harold Charles Wilson, est ce que les milieux autorisés on coutume d'appeler de la SF dure. Dure, non parce que l'histoire tire plus de larmes ou est éminemment sanglante, mais parce qu'elle se fonde sur des techniques dérivées des connaissances actuelles et accorde une part importante aux explications scientifiques. Un exemple fréquent d'écrivain de SF dure est Kim Stanley Robinson, auteur de la trilogie de Mars, narrant la terraformation et la colonisation de la susdite planète.
Mais revenons à nos moutons : l'idée de départ de Spin est tout ce qu'il y a de plus sympathique. Une nuit, les étoiles disparaissent. La Terre s'est retrouvée enfermée dans une bulle, le Spin. Et à l'extérieur de cette bulle, le temps s'écoule des milliers de fois plus vite. La bubulle en question n'empèche pas les fusées d'entrer ou de sortir, mais le décallage temporel est pour le moins génant. Génant surtout car il va suffir de quelques décennies pour que notre Soleil vieillisse lui de quatre milliards d'années, rendant la vie impropre sur la Terre. Bref, un vrai souci. Heureusement, l'humanité est pleine de ressources.
Malheureusement, l'auteur, lui, nettement moins. Du genre contemplatif, il montre pour l'action une nonchalance non feinte.
Sa nonchalance est également partagée par l'humanité qui sombre relativement peu dans le chaos, malgré l'apocalypse annoncée. Ce sur quoi je nourris quelques doutes, même si je loue la foi de l'auteur notamment dans la continuité des services publics.
Et puis les romans où les humains s'agitent sans arriver à rien, ça m'énerve.
Au final, c'est beau et bien écrit. Je risquerais presque un parallèle avec Jonathan Strange et Mr Norrel, que je ne puis m'empêcher de citer régulièrement lorsque l'envie me prend de vouer une lecture aux gémonies. Beau. Bien écrit. Belle idée de départ. Et long, et fade... Respectivement prix Hugo 2005 et 2006. Il y a des séries comme ça.

Toutefois, les avis sont partagés. Le Cafard Cosmique, Quarante-Deux (http://www.quarante-deux.org/cosmos/herzfeld/index.php/2005/08/27/24-robert-charles-wilson-spin), et nombre d'autres critiques sont tout ce qu'il y a de plus élogieux.

8/20
A vous de juger.

lundi 23 février 2009

Tout ce sang


J'ai chantonné toute la semaine dernière le Chant du Départ.
"La République nous appelleSachons vaincre ou sachons périrUn Français doit vivre pour EllePour Elle un Français doit mourir."

Aux Armes Citoyens, le tome 2 de la Révolution Française par Max Gallo, ne se lache pas une fois qu'il est entamé. Rarement ai-je lu livre d'histoire avec une fébrilité comparable à celle de la lecture d'un roman.
Le parti pris de l'auteur est de montrer comment, après l'exécution de Louis XVI, la machine de la Révolution Française s'emballe inexorablement. Le pouvoir exécutif était personnifié. Sa vacance va entraîner des luttes fratricides sans fin entre révolutionnaires. A ces luttes vont venir s'ajouter les révoltes des Chouans, notamment en Vendée, et la guerre menée par les armées royalistes du reste de l'Europe.
Malgré toutes les horreurs de la période, tant les principes établis (valeurs humaines, égalité des citoyens, accès à l'enseignement, aux soins...) que la diffusion de la Démocratie en Europe (instaurations de régimes républicains dans le Nord de l'Italie, en Belgique, aux Pays-Bas, en Suisse... sous le poids des armées de la République) ou la force de cette armée républicaine face aux armées royalistes par la motivation de ses hommes (et en premier lieu à Valmy, victoire de la volonté), ne peuvent qu'exalter le patriotisme.

Le temps que tout cela me passe, je suis pour le moment dans l'état d'esprit de jeter en cellule toute personne conspuant l'hymne national, si chèrement gagné. Mais c'est uniquement dû à mon influençabilité. Dans deux jours, il n'y paraîtra plus.

En attendant, je vous recommande plus que chaudement cet ouvrage, actuellement d'ailleurs numéro 1 des ventes en librairie, à ce que j'ai entendu dire.

jeudi 12 février 2009

Le roi n'est qu'un homme

Max Gallo vient de sortir son 100e ouvrage : Le Peuple et le Roi, qui traite de la Révolution Française, allant de la période 1774 à 1793, c'est à dire de l'avènement de Louis XVI à l'exécution de Louis Capet. Le tome 2, traitant de la Terreur, sortira en mars 2009.
Le livre a de multiples atouts : Avant tout, il se lit très bien. Certains pourront trouver les effets de style employés par l'auteur un peu lourds, mais on s'y habitue rapidement. La Révolution est présentée sous son jour magnifique (l'Abbé Grégoire et l'abolition de l'esclavage, la Déclaration des Droits de l'homme...) et ses pires horreurs (le massacre systématiques des individus emprisonnés en 1792 par une foule déchainée, sadique et incontrôlable).


L'ouvrage a notamment le mérite de présenter avec une grande clareté l'engrenage inexorable dans lequel le gouvernement est entrainé. Un gouvernement paradoxalement réformateur face à une assemblée conservatrice, dont les membres sont avides de garder leurs prérogatives financières. Les ministres des finances, de grands hommes, vont se succéder et se heurter les uns après les autres à ce système de privilèges sans pouvoir l'ébranler : Turgot, Necker, Calonne

Il est terrifiant de constater que progressivement, les Parlementaires vont se trouver dépassés par le mouvement qu'ils ont engendrés. Un petit nombre de sans-culottes, usant de l'intimidation et de la violence, manipulé par des tribuns populaires, va imposer les pires extrémités et atrocités.
Marat, Hebert, et leurs brulots, excitent le peuple et lui promettent du sang.

Le Républicain que je suis trouve le livre un peu trop pro-royaliste. Mais que cette histoire est bien contée. A l'opposée d'un Robespierre, un Saint Just ou un Philippe Egalité (le sournois Duc d'Orléans), des hommes tels que Mirabeau, Lafayette, Bailly redonnent foi dans la capacité de l'homme à voir plus grand que lui-même.

A lire, donc.

lundi 2 février 2009

Vampire, vous avez dit Vampire ?


"D" est la nouvelle série lancée par Ayroles (scénariste) et Maïorana (dessinateur). Leur précédente collaboration s'appelait Garulfo. Six tomes de bonheur à placer au panthéon de toute bonne bibliothèque de BD.
Depuis, Ayroles a écrit quelques tomes de Capes et de Crocs (en moyenne un par an). Qui sont également excellents.
"D" est un modèle de construction (utilisation de haute voltige du fameux "suspense de bas de page"), de finesse, d'humour, de frissons... l'ensemble étant superbement illustré avec un luxe de détails qui rendent cette BD non seulement très agréable à lire, mais à relire.
Le thème : une sombre histoire de vampires dans l'Angleterre victorienne. Je n'en dis pas plus afin de ne pas gacher le plaisir de la découverte.

Vous avez compris : je suis fan.
Courez acheter cette merveille, tome 1 d'une trilogie.

Viiiiiiite. Que faites-vous encore là ?

vendredi 23 janvier 2009

Une promesse est une promesse



Promets-moi, d'Harlan Coben, a plusieurs avantages. Le premier est sa disponibilité. Me baladant toujours avec un livre en poche, j'ai tendance à semer derrière moi, du fait de mon pas dynamique et sportif, les bouquins en cours. De temps en temps, retrouver un exemplaire du dit bouquin est problématique. Avec Harlan Coben, le premier relais H du coin fait l'affaire. J'ai mis 10 minutes à racheter mon livre : record battu.
Deuxième avantage : Ca se lit très bien dans le métro, même quand le monsieur à la guitare vient pousser la chansonnette pile poil devant vos pieds. On comprend tout.
Troisième avantage (je les fais dans l'ordre) : Une galerie de personnages pitoresques et relativement sympathiques.
Quatrième avantage : quelques moments inspirés. Peu, à vrai dire, mais c'est mieux que rien. J'ai appris une jolie citation en yiddish : A menst tracht und Gott lacht : l'homme prévoit, Dieu rit. La meilleure citation du bouquin. Dommage, elle n'est pas de l'auteur.

On est devant TF1, en ayant perdu la zapette, et on regarde tranquille le policier du jeudi. C'est pas du Bergman, pas de doute la-dessus. Mais enfin, on ne vit pas que de Bergman. De temps en temps, on regarde un film EuropaCorp (merci monsieur Besson).





Voilou : un petit policier sympathique, et dont je dois me dépécher de parler avant qu'il ne sombre dans les limbes insondables de ma mémoire. Une histoire de disparition de jeunes filles, d'un héros trop cool, de ses copains trop forts, de ses problèmes avec des méchants mafieux, des petits trafiquants et des profs de lycée libidineux. Et comme le héros, il est trop fort, et ben il va tout comprendre.

Je ne mets pas de note, par délicatesse envers les hordes de lecteurs de Coben.

mardi 13 janvier 2009

Un lieu incertain

Un Lieu Incertain, est le titre du dernier Fred Vargas. C'est très léger, très digeste, du Fred Vargas. Un mélange de meurtres horribles et de bons sentiments. L'équipe de poulets du Commissaire Adamsberg est aussi humaine, fragile, attachante que possible. Fred Vargas aime ses flics, et en premier lieu Adamsberg, son pelleteux de nuages, son rêveur, dont les associations d'idées instinctives sont à mille lieux de la rude logique de Sherlock Holmes.
Parce que les Fred Vargas se suivent, et souvent se ressemblent (ce n'est pas une critique, ça s'appelle avoir du style), il est agréable, bien que non indispensable, de commencer par le début. Notamment pour les derniers : il est souhaitable de lire dans l'ordre : Sous les vents de Neptune, puis les Bois Eternels, et enfin un Lieu Incertain.


Si vous voulez vous lancer, j'ai personnellement un faible pour l'Homme à l'Envers (une histoire de loups-garous, brrrrr).
Pars Vite et Reviens Tard, adapté récemment au cinéma, (qui tourne autour de la Peste) est également un bon moment. L'interprétation du Commissaire par José Garcia n'est pas inintéressante. Il est toutefois difficile de transposer au cinéma un personnage qui pense et s'introspecte plus qu'il ne s'exprime.

Un avertissement : une fois qu'on a fini un Fred Vargas, on n'a qu'une seule envie, c'est d'en lire un autre. Attention : primo, ça finit par prendre du temps, et secundo comme les bonbons Haribo, on finit par exagérer et avoir mal au coeur. Alors autant y aller doucement et faire durer le plaisir.

lundi 5 janvier 2009

Et pour quelques démons de plus


J'ai craqué. Le Fléau de Chalion s'était révélé une si agréable surprise, j'ai enchaîné avec Paladin des Ames, de Lois MacMaster Bujold. Même schéma que dans le précédent : Madame Bujold aime surprendre, commencer une histoire de façon très terre à terre, et la terminer sur un mode purement théologique. Une fois de plus, j'ai été surpris : cette délicieuse sensation de ne pas avoir déjà lu vingt fois cette idée, cette trame d'histoire.
Ce livre est le modèle même qu'on commence à lire tranquillement, dans le métro, pour se détendre en attendant la station, et qui à mi-parcours commence à coller aux doigts. Finalement, on le finit à 3 heures du matin, épuisé mais heureux, et certain de se maudire de sa curiosité le lendemain.


Le héros de ce nouvel opus est la reine mère Ista. Une femme démente, personnage secondaire du précédent volume. L'astuce de changer de personnel principal, notamment quand celui-ci est narrateur, afin de donner un nouveau souffle à une saga, s'avère ici efficace.
Comme elle l'avait été dans la Stratégie de l'Ombre, d'Orton Scott Card, qui voulait ainsi renouer avec sa géniale Stratégie Ender (si vous ne devez lire qu'un roman de science fiction, lisez celui-là, enfin, notamment celui-là).

Paladin des Ames a reçu en 2004 les Prix Hugo, Locus et Nebula. Toutefois, depuis récemment, j'ai appris à me méfier...