lundi 16 août 2010

Temps mort

R.J. Ellory a écrit Seul le Silence. Il l'a écrit en noir et blanc pour toute la partie se déroulant dans l'Amérique des marais de Géorgie, et a rajouté brièvement quelques touches de couleur pour celle à New York. Curieuse et troublante coexistence de ces deux planètes au sein d'un même pays.
Le roman s'étale sur une trentaine d'années, invitant à suivre le narrateur alors qu'il n'est encore qu'un jeune garçon dans sa traque d'un tueur de petites filles. Un tueur dont l'horreur touche à l'indescriptible.


Ellory a le don de la description :
P226 : Le shérif Burnett Fermor, l'air dur, le visage comme un amas d'angles biscornus, le pouce de la main gauche bien enfoncé sous son ceinturon, la paume de sa main droite posée sur la crosse de son revolver.
"Tiens, salut, mon gars", lança-t-il d'une voix traînante. Les muscles de sa mâchoire se contractaient lorsqu'il parlait. Il plissait les yeux à cause du soleil, ce qui lui donnait l'air de quelqu'un sortant d'une cave et découvrant la lumière du jour, quelqu'un qui aurait été enfermé au sous-sol pour sa sécurité et celle des autres.

On le hait et on le craint, ce flic, alors qu'il n'a encore rien dit, rien fait. Grand Ellory.

P379 : Balloté dans un véhicule exigu et sans air, je découvrais les sons et les odeurs de gens différents : un soldat derrière moi, des décorations en loques agrafées autour du bord de son chapeau, des mélodies jaillissant d'un harmonica fêlé qu'il tenait à la main, son esprit perdu dans quelque sombre souvenir d'Europe qui le hanterait à jamais. J'avais l'impression d'entendre des fantômes. Une femme âgée, son visage comme un parchemin dont le message aurait été effacé, les yeux tels des trous percés dans la lueur du jour pour trouver la paisible obscurité de l'autre côté. [...] Serrés les uns contre les autres tandis que la nuit approchait, tandis que nous descendions du bus dans des villes comme Goose Creek et Roseboro, Scotland Neck et Tuckahoe, dans des motels bons marchés. Draps fins et murs gris, couvertures trop maigres pour couvrir à la fois nos visages et nos pieds, tremblant inconfortablement, défiant la nature, luttant contre l'insomnie.

Le narrateur ne le précise pas, mais le lecteur sait bien au fond de lui-même que le temps est gris et qu'il pleut.

Après, et je m'en excuse auprès de ceux qui m'ont conseillé ce splendide roman - un roman de désespoir, un roman dont couleur et chaleur ont été bannies- je ne retire que de la douleur à lire un texte aussi sombre. Uniquement sombre, je n'ai rien su en tirer d'autre. Je ne saurais donc le recommander malgré sa beauté.

17/20

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