mardi 23 mars 2010

Etre et avoir été à nouveau

Il en a fait quatre, Poul Anderson, des recueils de nouvelles sur la patrouille du temps. Je finis à peine le deuxième, et ce sera pour moi a priori la fin du cycle.
Pourquoi tant de haine, me direz-vous ? Elles sont pas belles, les histoires ?

Si si. Dans ce tome, trois nouvelles : l'une se situe à Tyr, à l'époque du roi Hiram (contemporain de Salomon), l'autre chez les Ostrogoths au IVe siècle et la troisième sous le règne de Philippe le Bel, quand ce dernier s'en prit à l'Ordre du Temple (et à son or). L'auteur a bien travaillé : son héros ne s'exprime quasiment que par citations (cette envie que nous avons tous de montrer à quel point nous connaissons bien un sujet quand nous en avons l'occasion). La lourdeur du savoir encyclopédique plaqué sur la page frisait le Jacques Attali.

Allons au fait : Primo, l'auteur n'arrive pas à gérer la notion de paradoxes temporels. Il conte les démêlés d'une patrouille du temps chargée de préserver la trame historique, sachant que lorsqu'un énergumène venu de l'avenir engendre un changement, celui-ci prend sa place dans l'Histoire. Bref, faute de règles clairement posées, le lecteur se contente de suivre en souriant gentiment, et surtout en évitant de se poser trop de questions : le scénario ne tiendrait pas le coup. La deuxième nouvelle, le Chagrin d'Odin le Goth, est la seule qui vaille la peine d'être lue, de par sa construction originale.
Secundo, la platitude du style et les conclusions bâclées deviennent insupportables au bout d'un moment.

Il est grand temps de passer à autre chose. Le livre n'est que partiellement recommandable, et encore aux amateurs de SF strictement.


13/20

PS : Le Belial se vante d'éditer enfin en France la suite d'un des "plus grands cycles de la science fiction". Dans le fond, si cela n'avait pas été édité avant, il y avait une raison.

mardi 16 mars 2010

Etre et avoir été

Classique de la science fiction, La Patrouille du Temps, de Poul Anderson, s'attaque au très délicat sujet des voyages dans le temps. Dans un million d'années, les Danelliens, avenir ô combien développé des humains, ont totalement maîtrisé le voyage dans le temps. Leur problème, c'est qu'ils ne sont pas les seuls dans ce cas. Ils craignent une chose par dessus tout : que des perturbateurs les effacent purement et simplement en changeant le cours de l'histoire, volontairement ou non, lors d'une incursion dans le passé.


Les Danelliens ont donc créé la patrouille du temps. Des bureaux sont répartis à travers les âges de l'humanité. Ils recrutent dans chaque période des patrouilleurs dont l'objectif est de s'assurer que "tout se passe bien comme prévu". Le cours du temps est résistant. La mort d'un animal, un épisode inattendu dans la vie d'un ou plusieurs hommes, le décès prématuré de l'un ou l'autre, n'aura généralement pas de conséquence. La trame générale y résiste et corrige le tir toute seule. Toutefois, certains points sont plus sensibles et demandent à être plus particulièrement protégés.

Lecture intelligente, originale et agréable, je ne peux que recommander ce court livre au rythme nerveux et efficace, bien traduit (on est chez J'ai Lu, il y a des traducteurs et des relecteurs chevronnés, mes amitiés à ce sujet aux éditions Bragelonne et Milady, à l'antipode).

Extrait : Le recrutement du narrateur, qui n'a fait pour le moment que répondre à une annonce dans le journal :

"Hum... ça ne vous ferait rien de saisir ces poignées sur les bras de votre fauteuil ? Merci. A présent, quelles sont vos réactions devant un danger d'ordre physique ?
Everard se hérissa. "Ecoutez..."

M. Gordon jeta un bref coup d'œil sur un instrument posé sur son bureau, un simple boîtier avec une aiguille et deux cadrans. "Peu importe. Quelle est votre opinion de l'internationalisme ?"
- Dites donc...
- Du communisme ? Du fascisme ? Des femmes ? Quelles sont vos ambitions personnelles ? ... Ce sera tout, vous n'êtes pas obligé de répondre. "

Richesse des idées et des tableaux, rythme et concision viennent ainsi heureusement compenser une absence de style, une psychologie des personnages très limitée, des conclusions brouillonnes, et des nouvelles de niveau inégal. Anderson a clairement du mal à développer ses idées. Loin d'être un monument de la SF classique aux côtés des Asimov et Heinlein, en dépit des efforts de ses fans outre-Atlantique, l'auteur donne toutefois l'occasion de lire de la série B de très bonne facture.

14/20

Conjuration

La Conjuration des Imbéciles, de John Kennedy Tool, est un roman que sa genèse seule rendrait déjà extraordinaire. Premier roman de l'auteur, ce dernier se suicida en 1969, suite à la déprime qu'avait engendré le refus des éditeurs de le publier. Les efforts incessants de sa mère finirent par aboutir à la publication, qui fut suivie d'un prix Pulitzer en 1981. Une histoire aussi noire et ironique que le ton de l'ouvrage.

Nouvelles Orléans, début des années 60. Le "héros", Ignatius J Reilly, la trentaine, vit chez sa mère. Obèse, il se complait dans la plus totale inactivité, ne sortant que pour aller au cinéma (et y décrier les infects films que l'on ose y projeter). Misanthrope, il passe sinon le plus clair de son temps à noircir des cahiers dans sa chambre. Il y étale son rejet du monde moderne, totalement décadent, s'appuyant sur les écrits des Anciens (Platon, Boèce tout particulièrement) et de théologiens moyen-âgeux.


Obligé de chercher du travail pour des raisons bassement matérielles, il va être confronté à ses contemporains, occasion pour l'auteur de dresser une description colorée de la Nouvelle Orléans : usines délabrées, pauvreté des Noirs, quartiers à touristes et jeunesse dorée. La verve de Tool rend l'ensemble du tableau comique, effet particulièrement renforcé par le fossé séparant la vision du monde de Reilly de celui de ses contemporains. Egocentrique, bouffi d'orgueil, menteur et malhonnête, Reilly se rend totalement  détestable, malgré sa fine intelligence.

A lire, rien que pour la finesse du portrait du Sud des Etats-Unis dans les années 60.

16/20

PS : Merci à Hilaire pour m'avoir fait découvrir ce grand roman

jeudi 11 mars 2010

Les Voies du Ciel

Un Cadavre de Trop, de Ellis Peters, est une enquête policière menée par le moine Cadfael. Ancien soldat, riche d'une dizaine d'années aux croisades et de nombreuses aventures, il a décidé de finir ses jours en cultivant son jardin, au sein d'une abbaye. Heureux qui comme Ulysse...

1138 est temps de guerre fratricide dans la vieille Angleterre entre deux prétendants au trône : Stephen et Mathilde. La prise d'une place fidèle à Mathilde par l'armée de Stephen est suivie de la pendaison de la garnison. Quatre-vingt quatorze hommes. Tout se complique lorsque Cadfael en découvre un quatre-vingt quinzième. Il se fait confier l'enquête. Le roi est outré qu'un misérable ait osé camoufler son crime au milieu de sa sainte colère.

L'enquête aurait pu être passionnante, si elle n'avait été si tirée par les cheveux. Florilège :
- Le moine et son apprenti retrouvent par hasard le témoin capital du meurtre.
- Le moine retrouve un morceau de pommeau de dague serti d'une pierre précieuse sur la scène du meurtre.
- La dague est une pièce unique.
- Le moine tombe par hasard sur un enfant qui a vu un homme jeter la dague dans le fleuve.
- L'enfant a remonté la dague.
- L'enfant peut reconnaître l'homme.

Quand on a la Providence autant avec soi, je ne connais nulle enquête qui n'aboutisse. C'est certainement l'un des avantages d'un moine.

L'auteur ayant un penchant non dissimulé pour l'eau de rose, l'ensemble de l'ouvrage en est aspergé, jusqu'à une fin dont la douceur frise le loukoum. Ames sensibles, dormez en paix.

Bref, un bon divertissement qui se lit agréablement, pour lecteur fatigué.

12/20