samedi 29 mai 2010

Sweet Sixties

Tout commence par des coups de feu en novembre 1963 pour se terminer par d'autres coups de feu en juin 1968. De Jack à Bob. Deux Kennedy assassinés. L'un était Président, l'autre en passe de le devenir.
Entre les deux, la mafia, le FBI de M. Hoover, le Klan, le combat de Luther King pour les droits civiques, le rachat de Vegas par Howard Hugues et la spirale du Vietnam. Cinq ans de l'histoire des Etats-Unis vus par James Ellroy.
American Death Trip, deuxième volet de sa trilogie, est une somme. Un pavé dont on ressort groggy. La tête pleine d'images. Ce péquenaud de Lindon Johnson, Rock Hudson et les garçons, Rita Hayworth la poivrote, Hugues, ses transfusions de sang et ses fidèles mormons…

Ellroy, un talent fou pour dessiner un tableau en trois mots.

A Mexico. Extrait :
"Un Mex apporta du café. Ledit Mex dégoulinait d'obséquiosité.
De grandes dents. De grandes courbettes. Consentement maximum.
Pete se prélassait. Pete appréciait la panaderia. Pete se goinfrait de petits pains. A l'aide de ruban adhésif, Pete fixa son arme sous la table.
La détente était à ras du plateau. Le silencieux fonctionnait. Le canon était pointé sur le siège d'en face.
Pete sirotait son café. Pete se frotta la tête. Mexico - niet.
C'est un trou à rats. Rempli de mendiants et de crottes de chiens. Donnez-moi plutôt la Havane d'avant Castro."

A Saigon. Extrait :
"Saigon, 19 mars 1968.
Tu es de retour.
C'est vivant. C'est violent. C'est le Vietnam.
Regarde les essaims de soldats. Regarde les niacoués repliés sur la capitale. Regarde lesdits niacs qui parlent du Têt. Regarde les temples aux entrées murées. Regarde les convois de camions. Regarde les canons de la DCA.
Tu es de retour. Regarde ça. Saigon 68.
Le taxi se trainait. Les camions le serraient. Des camions d'armement. ; des camions de ravitaillement ; des transports de troupes. Des gaz d'échappement jusqu'à hauteur de pare-brise. Des particules de gasoil qui piquent les yeux."

Un époustouflant voyage dans l'histoire américaine des années soixante, très éloignée de Happy Days.

17/20

mardi 18 mai 2010

Guernica

Une artiste allemande, Lena Gieseke, a disséqué en trois dimensions Guernica, le tableau de Picasso commémorant la tragédie de cette ville durant la Guerre Civile en Espagne. Le résultat est émouvant.

Voilà une occasion de (re)lire l'Espoir, d'André Malraux, roman contant admirablement l'engagement des forces républicaines durant la Guerre d'Espagne.




mardi 4 mai 2010

Tout ça pour un bouquin

Est-ce le lecteur qui change ou le livre ? Peut-être les deux. En tous les cas, le Livre d'Hanna, de Geraldine Brooks s'est révélé au fil des pages une lecture de plus en plus facile. Je trouvais au départ le style de l'auteur d'une telle platitude que le fond de l'histoire, les scènes les plus poignantes glissaient sur moi telle l'eau sur le canard.


Et pourtant, l'auteur en fait des tonnes dans le poignant. L'héroïne, Hanna, une Australienne spécialisée dans la conservation des vieux manuscrits, est appelée en Bosnie pour prendre soin d'un livre inestimable qui a miraculeusement refait surface après la guerre civile en ex-Yougoslavie : la haggadah de Sarajevo. C'est-à-dire le livre de prière dans lequel les Juifs lisent une fois l'an, à Pâques, le récit de la sortie d'Egypte et les exploits de Moïse-Charlton Heston.

L'étude qu'Hanna fait de cette fameuse haggadah l'amène à découvrir des pans de son histoire, et de celle de ses souvent malheureux propriétaires, depuis sa création dans l'Espagne des Almohades. Succession de tableaux historiques à rebours : la second guerre mondiale et les Oustachis, Vienne à la fin du XIXe siècle, Venise au XVIe, Grenade en 1492 et cette salope d'Isabelle la Catholique (ça m'a choqué aussi, mais ce serait son surnom historique).

Vous ne pleurez pas encore ? Alors pour que le pathos soit total, l'héroïne va régler en parallèle des comptes avec sa maman, les hommes et son surmoi.

Bourré d'émotions tout cela. D'émotions qui ne passent pas ou si peu. Reste une somme de tableaux historiques joliment dépeints, une morale sur les hommes qui sont tous des frères par delà leur différences qui fait bien chaud au cœur, et une œuvre tellement pleine de bonnes intentions et qui se donne tellement de mal pour ne blesser personne qu'on a envie de dire à l'auteur d'oublier son politiquement correct de temps en temps.

Jamais je n'oserai critiquer ce livre, il part d'une si bonne intention. Lisez-le, c'est bien mignon, et ça cultive incidemment.

15/20

PS : J'en profite pour hautement conseiller le Livre de Saphir, de Gilbert Sinoué. L'action se déroule également en 1492 en Espagne et tourne aussi autour d'un livre, la fraternité entre les hommes et les religions du Livre est magnifiquement dépeinte, et l'auteur est un puits de culture. Un livre grandiose.