dimanche 27 novembre 2011

Un moment d'absence

Efficace comme une série américaine, ce Flash Forward (*d'ailleurs, il a donné lieu à une série, depuis que j'ai écrit ce commentaire). D'ailleurs, le livre a donné lieu à une série du même nom. L'idée de départ est séduisante : Robert J Sawyer, comme Dan Brown avant lui, fantasme sur le CERN, ses moyens, son accélérateur de particules unique, le Grand Collisionneur.
Pas de chance, l'expérience en cours a visiblement trop bien marché. Selon toute vraisemblance, elle a envoyé dans le coltard toute l'humanité durant quelques minutes. Durant ces mêmes minutes, chaque être humain a eu une vision de son avenir, par ses propres yeux, mais vingt ans après : le phénomène sera baptisé par les médias le Flashforward.

Notre futur est-il gravé à l'avance dans le marbre ? Quel impact un aperçu même fugace de son avenir peut-il avoir sur un individu ? "Et si je n'ai rien vu, c'est mauvais signe ?"

Extrait p161, éditions Milady :
- Vous avez sans doute entendu ce scientifique du CERN qui a affirmé que les visions montraient le seul et unique futur réel ?
- Oui, dit la voix de l'interprète. Mais c'est absurde, de toute évidence. On peut aisément démontrer que le futur est malléable. Dans ma propre vision, je me trouvais dans mon appartement. Et sur mon bureau, comme maintenant, il y avait ceci.
Dans le studio, une table était placée devant lui. Il tendit la main et prit un presse-papiers. La caméra zooma sur l'objet, un bloc de malachite surmonté d'un petit tricératops doré.
- Bon, ç'a peut-être l'air un peu tape-à-l'oeil, dit Alexander, mais en fait j'aime bien cet objet. C'est un souvenir d'une visite au Dinosaur National Monument qui m'avait beaucoup intéressé. Mais je l'aime moins que la rationnalité.
Il passa une main sous la table et la ramena avec un carré de toile à sac qu'il déploya devant lui. Il plaça le bibelot en son centre. Ensuite, il exhiba un marteau et il entreprit de pulvériser son souvenir. La malachite se fendit et s'émietta, tandis que le petit dinosaure s'aplatissait sous les coups.
Alexander cessa son acte de vandalisme et sourit triomphalement à la caméra.
- Ce presse-papiers figurait dans ma vision. Or, il n'existe plus. En conséquence, quoi que la vision ait pu montrer, ce n'est en aucune manière un aperçu d'un futur immuable.
[...]
Lloyd réfléchit encore quelques minutes, puis décrocha le téléphone, contacta les renseignements et après un nouvel appel parla à une femme qui travaillait dans la boutique cadeaux de Dinosaur Monument.
- Allô, dit-il, je recherche un objet particulier... un presse-papiers en malachite.
- De la malachite ?
- C'est une pierre verte, vous savez, ornementale.
- Oh oui, bien sûr. Celles que nous proposons sont décorées d'un petit dinosaure sur le dessus. Nous avons un modèle avec un tyrannosaure, un autre avec un stégosaure et un avec un tricératops.
- Combien pour le tricératops ?
- Quatorze dollars et quatre-vingt dix cents.
- Vous faites de la vente par correspondance ?
- Aucun problème.
- J'aimerais en acheter un et l'expédier...



Un roman intelligent, bien construit, au rythme parfois un peu lent, au style d'une platitude déchirante, qui laisse le souvenir de bons moments plutôt que d'un bel ensemble, du fait de chapitres d'un niveau inégal (le délire mystique sur la vie éternelle de l'un des derniers chapitres est au minimum une faute de goût).

PS : Je ne veux même pas savoir combien d'épisodes (ou de saisons...) les scénaristes d'Hollywood réussiront à tirer de cette histoire.

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