mercredi 11 mai 2011

Le Péril Vieux

Le Vieux qui ne Voulait pas Fêter son Anniversaire, de Jonas Jonasson. Mais quel titre ridicule. La couverture du livre est moche, en plus. C'est le petit quelque chose dans la voix du libraire qui vantait le bouquin sur France Info qui m'a poussé à tenter l'aventure.
Et quel bonheur. Inventif. Remarquablement construit. Drôle. Je riais un peu au début du livre, et ouvertement en le finissant.


Allan Karlsson va avoir 100 ans. Et il refuse de fêter son anniversaire en maison de retraite. Pas après une vie comme la sienne. Ancien artificier, témoin et acteur privilégié d'événements historiques majeurs du XXe siècle. Alors il fugue. Et non content de s'enfuir, il vole une mystérieuse valise. C'est là que ses ennuis avec la pègre et la police vont commencer. Rythmé entre scènes contemporaines et flash-back sur la vie d'Allan, les pièces du puzzle de l'existence du vieillard viennent lumineusement s’emboîter.

Extrait p41 (Ed. Presses de la Cité) :
"Il en faisait une affaire personnelle. En effet, Lénine avait osé interdire toute propriété foncière individuelle le jour même où le père d'Allan avait acheté douze mètres carrés de bonne terre russe dans l'intention d'y cultiver des fraises suédoises. "J'ai acheté ce lopin de terre pour quatre roubles seulement, mais on ne m'expropriera pas impunément de mon champ de fraises !" disait le père d'Allan dans la toute dernière lettre qu'il écrivit à sa famille. Il achevait son courrier par ces mots : "Maintenant, c'est la guerre !".
[...]
Quelques semaines plus tard, l'ambassade de Suède à Petrograd envoya un télégramme à Yxhult annonçant la mort du père d'Allan. Il n'entrait vraisemblablement pas dans les attributions du diplomate de donner plus de détails sur ce décès, mais il n'avait pas pu s'en empêcher.
D'après le haut fonctionnaire, le père d'Allan aurait construit une palissade autour d'un terrain de dix ou quinze mètres carrés et proclamé la parcelle "république autonome". Il aurait baptisé son petit lopin de terre "La Vraie Russie", et serait mort dans le tumulte qui avait suivi l'irruption de deux soldats du gouvernement venus démolir sa palissade. Il aurait combattu les soldats avec ses poings dans sa ferveur à défendre les frontières de son territoire, et les soldats auraient été incapable de lui faire entendre raison. Ils n'avaient finalement pas trouvé d'autre solution que de lui tirer une balle entre les deux yeux, afin de pouvoir continuer à travailler tranquillement.
- Tu n'aurais pas pu mourir d'une façon un peu moins bête ? dit la mère d'Allan après lecture du télégramme de l'ambassade."

Je me suis bien amusé.

Ta da ta doum, ta da ta doum

C'est ma faute. Je plaide coupable. Je m'en réjouissais depuis trop longtemps, je me le gardais en réserve, telle une belle bouteille pour laquelle on attend une occasion. Et donc je ne peux m'empêcher d'être un peu déçu par La Maldonne des Sleepings, de Tonino Benacquista.
Honnête polar dont le héros est un couchettiste de la SNCF, habitué des trains de nuit entre la France et l'Italie. Désabusé trop tôt par son métier, il a développé une fâcheuse tendance à envoyer promener tout le monde. Sa maîtresse italienne l'amuse modérément, et il n'a plus la force pour sa régulière parisienne. Le débarquement dans son train-train d'un fugitif maladivement somnolent poursuivi par une bande de méchants kidnappeurs va lui procurer un choc salutaire, réveillant sa fibre altruiste.

Extrait p16 (Edition Folio Policier) :
"Il suffit de prononcer le mot magique de "Wagons-lits" et ça démarre tout seul, on a lu un Agatha Christie, toujours le même, on a vu un ou deux films de la Belle Epoque, on évoque le vague souvenir d'un oncle "qui a bien connu...". Mais là je suis obligé de calmer les enchantements divers, quitte à décevoir. Je ne suis qu'un simple couchettiste, j'entends velours rouge et je réponds moleskine, on me parle de piano-bar et je dis Grill-Express, on cite Budapest et je remplace par Laroche-Migennes, à super-luxe je tarife 72 francs la couchette. Les "Single" et les "T2" (deux voyageurs maximum, très prisé pour les lunes de miel) ne concernent que les premières classes. Moi je m'occupe des pauvres, les familles de six avec des gosses qui chialent la nuit, les immigrés qui font un tour au pays, les jeunes billet-Bige et sac à dos. Et je n'échangerais ça pour rien au monde."


Sympathique polar, dont l'intrigue ne décollera jamais vraiment à la hauteur espérée, il n'en demeure pas moins un fort agréable moment lecture, entretenu par le talent de conteur de Benacquista.