lundi 16 avril 2012

Apothéose

Et de trois. Dernier tome de la trilogie de James Ellroy, Underworld USA clôt en 1972 cette fresque de l'histoire contemporaine américaine débutée avec la présidence de Kennedy.
La mafia et Las Vegas, JH Hoover et son FBI, Cuba et les anticastristes, le Klan et les Black Panthers, jamais Ellroy ne perd jamais son lecteur dans ses complexes intrigues. Tout boucle et se rejoint dans le plus bel humanisme après un océan de noirceur. Les vrais héros d'Ellroy ont souvent soif d'absolution.

Extrait, p211, Editions Rivages / Noir :
"Travaux pratiques de chimie.
Wayne se trouvait dans la salle de bains de Farlan Brown. Les miroirs muraux lui renvoyaient son image. Il avait une sale tête. Tu es trop vieux, trop maigre, trop ravagé.
Il prit un verre à dents. Il mélangea une mignonnette de scotch provenant de l'avion avec des morceaux d'opium et un comprimé de valium écrasé. Il remua le tout avec le manche d'une brosse à dents et l'avala d'un trait.
L'effet se fit sentir au milieu du torse et remonta peu à peu vers sa tête. Il prit appui sur le rebord du lavabo et scruta les miroirs. Le changement qu'il souhaitait constater dans son apparence se produisit.
Il passa dans le salon. Tous les Elfes de Drac étaient présents. Revue des effectifs : Brown et Mesplède. Six hommes de main de Sam Giancana et huit flics qui n'étaient pas en service. Sur le plancher, en plein milieu de la pièce : une grosse malle au contenu nocif.
Assis : les malfrats et les flics, mélangés. Brown et Mesplède étaient debout derrière le bar. Ils sirotaient leur bloody mary du petit déjeuner, accompagnés de branches de cèleri. Mesplède avait fait passer des cigarettes françaises. La suite était envahie de tourbillons de fumée."


Certains considèrent Ellroy comme le plus grand auteur américain contemporain de romans policiers. Ils ont de sérieux arguments.

vendredi 6 avril 2012

Atomes crochus

Ah, si ma femme était là, elle vous en parlerait mieux que moi. En deux jours, elle l'a dévoré, ce roman. Le Mec de la Tombe d'à Côté, de Katarina Mazetti. L'histoire d'une jeune veuve et d'un fermier vieux garçon. Voisins de cimetière, l'un pour son ex-mari, l'autre pour ses parents, ça crée des liens.
Pourtant, entre le fermier aux 24 vaches et la bibliothécaire, il y a peu de points communs. L'auteur se donne même un malin plaisir à les dépeindre aux antipodes, sans peur des caricatures. Au nom de la parité, chacun est narrateur d'un chapitre à son tour.
L'unique problématique de ce sympathique roman suédois se résume en : ce qui les attire sera-t-il plus fort que ce qui les sépare ?

Je m'en voudrais de dévoiler la fin (que je ne suis d'ailleurs pas sûr d'avoir comprise, même en la lisant une seconde fois).

Extrait p15, Editions Babel : (le héros souffre de l'exode rural)
"Ce que ma mère ne savait pas, c'est qu'il n'y a plus de jeunes filles qui attendent au quai de collecte du lait, prêtes à devenir la maîtresse de maison d'un célibataire-séduisant-avec-propriété-à-la-campagne. Elles sont toutes parties en ville et aujourd'hui elles sont devenues institutrices et infirmières. Elles ont épousé des mécaniciens ou des commerciaux et elles tirent des plans sur la comète pour devenir propriétaires d'un pavillon. Des fois, elles reviennent ici en été avec leur mec et une tête blonde dans un porte-bébé et elles se la coulent douce sur une chaise-longue dans la cour de la vieille ferme des parents."

Bref, c'est tellement romantique, et si... bref... si romantique, que si vous vous sentez vous-même romantique, lisez-le absolument. Ca donne aussi des sujets de conversation avec sa moitié, accessoirement.

jeudi 5 avril 2012

One to beam up, Mr Scott

Dans Terminus les Etoiles, d'Alfred Bester, tout commence par un postulat. L'humanité a acquis le don de téléportation. Ce n'était apparemment qu'une affaire de conviction. Les hommes étant par essence tout sauf égaux, tous ne peuvent pas se téléporter à la même distance. De surcroît,  la chose est uniquement possible dans un endroit bien connu. Mais bref, c'est possible.
Ceci posé, passons à l'histoire. Celle d'un marin de l'espace, vaguement simplet et sans ambition. Se retrouvant seul rescapé suite à l'attaque de son vaisseau, il va à force de tenacité réussir à survivre plusieurs mois dans quelques mètres carrés flottant dans l'immensité, dans l'espoir d'un sauvetage providentiel. Quand un vaisseau passe à proximité, l'aperçoit mais ne s'arrête pas, il attrape la Haine. Une haine à la Montechristo. Une motivation qui va l'amener à se dépasser et mettre tout en oeuvre pour se venger.


SF classique de l'âge d'or américain (1956), c'est un style. La nervosité du récit m'a un peu rappelé Jack Vance. Bester est un habile conteur de coin du feu, ses histoires ont un parfum de légendes et de contes philosophiques.
Un bon moment de lecture, qui ne laisse pas de souvenirs impérissables. Je recommande strictement aux amateurs du genre, et notamment ceux qui aimeraient se frotter au lauréat du premier prix Hugo.