vendredi 20 juillet 2012

Tempus fugit

Je n'ai pas vu le temps passer. Belle performance que ce roman explosé. Le Déchronologue, de Stéphane Beauverger, traite de la vie d'un capitaine de vaisseau, un flibustier des Caraïbes, qui se bat contre l'Espagnol et sa main mise sur le Nouveau Monde.
Des perturbations temporelles vont venir perturber de façon croissante la vie et la géopolitique de cette partie du monde. Irruption d'objets venus du futur (les maravillas), voyageurs du temps, observateurs ou conquérants, flottes de vaisseaux issus du passé ou de l'avenir. Le présent explose.
Le roman aussi, explose. L'auteur a, fort habilement, placé ses chapitres sans respect pour l'ordre chronologique. Le premier saut temporel du lecteur est douloureux, puis l'on s'habitue et se laisse bercer par le rythme inédit du récit.
Les chapitres étant tous datés et numérotés, il reste toujours possible de les lire ou relire dans l'ordre, ce qui parfois est utile à la bonne compréhension de l'histoire.


Compréhension... C'est là que le bât blesse. J'ai dévoré cette histoire jusqu'à sa dernière page. N'y comprenant pas plus que le malheureux et brave capitaine Villon. Nombreuses sont les questions soulevées dont on attend les réponses. Or, une pirouette, et hop, that's the end. L'auteur n'a répondu à rien. Un roman à énigmes sans réponses. Ou pas fini. Au choix.

Alors, ou bien l'auteur compte ne pas en rester là, et je serai le premier à reconnaître m'être délecté de son travail. Ou bien il a terminé, et ma satisfaction est loin d'être complète.

lundi 16 juillet 2012

N'est pas mort ce qui à jamais dort

Nous ne sommes pas seuls. Des créatures dont les pouvoirs dépassent notre entendement sont tapies dans l'ombre. Ou pour être plus précis : vivent dans des dimensions parallèles à la nôtre. Il fut un temps où, pour invoquer une telle monstruosité, les sorciers usaient de pentacles, de sacrifices et de divers organes de boucs et de hiboux. L'informatique, l'électricité et les mathématiques permettent d'être de nos jours bien plus efficace pour créer un vortex entre deux mondes.
C'est pourquoi il faut protéger l'humanité. La protéger d'incursions démoniaques dans son quotidien. Mais la protéger également de savoir. C'est l'objectif de la Laverie, le plus secret des services secrets britanniques.



Charles Stross, avec le Bureau des Atrocités, rend hommage à Lovecraft tout en jouant à Men in Black. L'ensemble, mâtiné d'humour britannique, est purement jouissif.

Extrait p45, Editions Le Livre de Poche :
"L'efficace Vohlman attaque son programme avec le zèle d'un instituteur-né.
- Nous allons essayer une sollicitation mineure, une invocation de type 3 en utilisant précisément les coordonnées que j'ai dessinées au tableau. Ce qui devrait susciter une manifestation primaire d'horreur sans nom, mais ce sera une horreur sans nom assez manipulable, du moment que nous observons des précautions raisonnables. Il y aura des distorsions visuelles désagréables et un peu de bavardage protoconscient, mais pas plus intelligent qu'un reporter des News of the World - pas vraiment assez pour être assez dangereux. Ce qui ne veut pas dire qu'on ne risque rien pour autant - on peut très facilement se tuer si on ne traite pas le matériel avec le respect qui lui est dû. Au cas où vous l'auriez oublié, il y a six cents volts et quinze ampères qui passent dans le circuit, et la carte mère est isolée et orientée correctement sur un axe magnétique nord-sud. La géométrie que nous utilisons pour cet essai est un espace de Minkowski modifié que nous pouvons obtenir par dérivation en portant pi à la puissance quatre. Rapprochez-vous s'il vous plait, il faut que vous soyez à l'intérieur du périmètre de sécurité quand je mettrai le circuit sous tension. Manesh, si vous pouviez allumer le panneau ENTREE AB-SO-LU-MENT INTERDITE...
Nous faisons cercle autour du banc d'essai. Je reste en retrait."

En littérature fantastique, je ne m'étais pas autant réjoui depuis De Bons Présages, de Neil Gaiman.

samedi 14 juillet 2012

Serpents, koalas et crocodiles

Le bush, c'est pas pour les mauviettes. Kenneth Cook, écrivain australien engagé politiquement, dans le cadre de ses déplacements dans le bush, en a vu des vertes et des pas mures. A l'en croire.
Une quinzaine de nouvelles, où l'écrivain narre ses démêlés avec les diverses bébêtes locales, ou avec les aborigènes, regroupées dans un trop court opuscule, le Koala Tueur, et autres histoires du bush.
Le style est incisif, dense, authentiquement drôle. Un grand écrivain, de surcroît bien traduit.




Extrait p132, Editions Le Livre de Poche
"- Cinq ans que j'ai Cédric, m'expliqua Henry. Je l'ai trouvé sur la piste quand il était chaton. Il avait un bébé dingo mort dans la gueule. Je sais pas d'où il sortait. Son problème, c'est qu'il n'a jamais vu un autre chat et qu'il se prend pour un chien.
Personnellement, je trouvais que Cédric avait plus de raisons de se prendre pour un croisement de chacal et de jaguar, auxquels il ressemblait.
- On pourrait pas rêver d'un meilleur chien de garde, poursuivit Henry. Je peux abandonner mon camp pendant des jours sans m'inquiéter. Cédric ne laissera passer personne.
L'unique oreille du chat se tendit en entendant son nom. Il sourit - je vous jure qu'il sourit (bon, peut-être qu'il montrait les dents) - et les flammes du feu étincelèrent sur un long croc blanc.
- Bois un autre coup, dit Henry en brandissant son rhum."

Je n'avais pas eu depuis longtemps un authentique fou rire en lisant une nouvelle. Un livre bonheur.