mercredi 18 décembre 2013

A vif

Ca ne m'était pas arrivé depuis quelques temps, alors ça m'a surpris. Un écrivain qui se livre, ses fragilités, ses émotions, ses tripes. Qui se met à nu, avec finesse et humour.
A force de lire du drôle, du technique, du subtil, de la merde parfois, j'en avais oublié le frisson éprouvé face à une sensibilité authentique.

Augusten Burroughs, dans Effets Secondaires Probables, livre à nouveau des morceaux de sa vie. Des passages tendres, d'autres cruels, dans lesquels il a rarement le beau rôle. Chaque chapitre ajoute une pièce au puzzle. Etonnant comme mis bout à bout, ces petits chapitres si drôles forment un ensemble si triste.


Extrait p. 143 : (Augusten est dans un bar où il a rendez-vous avec un garçon rencontré par petite annonce.)
Il regarda nos jambes, d'abord les miennes, puis les siennes.
"C'est agréable de se toucher".
Je le détestais. Je déteste les gens qui supposent une intimité immédiate. Bien que je ne mange pas en protégeant mon assiette avec les bras, je maintiens toujours une certaine distance au premier abord. Je viens d'une famille dysfonctionnelle de Nouvelle-Angleterre. Je ne suis pas le moins du monde méditerranéen, je n'attrape pas la première main venue, n'embrasse pas la moindre joue velue. Il y a un peu d'Allemand en moins, je ne suis pas câlin.

Quel bonheur que de lire du Augusten Burroughs.

samedi 14 décembre 2013

Qui a peur du grand méchant loup ?

L'idée de base est séduisante. Les personnages des contes de fée existent. Ils vivent parmi nous, certains conscients de leurs spécificités et d'autres les ayant oubliées. A ma droite les méchantes reines sorcières, à ma gauche les gentilles princesses, et autour loup, chasseur et autres nains. Le Bien et le Mal s'affrontent, comme il doit toujours être.
L'ensemble donne un bel et avenant édifice, fort honnêtement écrit, correctement construit, mais sur des fondations excessivement fragiles. Les bases de l'histoire sont branlantes et le lecteur doit se garder de ne pas éternuer trop fort, sous peine de voir la maison s'écrouler.



"Loup, y es-tu ?", d'Henri Courtade, est une agréable lecture pour amateurs de Fantasy. L'équivalent exact d'une série américaine "Once Upon a Time" construite sur le même thème.
Les souvenirs du livre s'estompent déjà, tels un rêve étrange fait dans la nuit et dont les images disparaissent dès le réveil. Avec l'avantage qu'on peut le lire deux fois à six mois d'intervalle en le redécouvrant.

Si le thème des héros sont parmi nous vous attire, American Gods, de Neil Gaiman, boxe toutefois dans une autre catégorie.

mardi 10 décembre 2013

Le Fakir et son armoire

C'est d'une certaine façon le livre que j'espérais en vain de Jonas Jonasson, à la place de son second livre un peu navrant. Romain Puertolas offre avec l'Extraordinaire Voyage du Fakir qui était resté coincé dans une Armoire Ikea, un parcours initiatique décalé. Celui d'un petit escroc indien, un soi-disant fakir, vivant d'expédients aux crochets d'une populace crédule, qui décide de se rendre en France pour s'acheter un lit à clous chez Ikea.
De malchance en rebondissements, le pauvre fakir va découvrir l'Europe, l'amour et le bonheur.

Les rebondissements sont nombreux et ingénieux, le récit profondément moral, et parfois même moralisateur, et l'humour omniprésent et gentil.


L'ensemble constitue une lecture très agréable, de pure détente. Et le style un peu pauvre de la narration n'est pas une raison pour bouder son plaisir.

jeudi 5 décembre 2013

Avant Columbo

Un recueil de 36 nouvelles policières, le Service des Affaires Classées. Sous la plume de Roy Vickers, pas de héros flic engagé dans des poursuites à fond de train. Pas une once d'action.
Vickers invite son lecture à un exposé froid, purement factuel, d'un meurtre théoriquement parfait. Et avec une jubilation toute en retenue, il accompagne le raisonnement, souvent bien des années plus tard, d'un fonctionnaire en charge des affaires classées, un raisonnement ténu au départ, quasiment une intuition, mais qui va progressivement prendre corps et permettre de confondre le coupable.


C'est du Columbo sans la gouaille de Peter Falk (les nouvelles auraient inspiré la série). C'est pourquoi le recueil ne se lit pas d'une traite. En revanche, une à deux nouvelles de temps en temps est un régime qui ne manque pas de charme.

mercredi 4 décembre 2013

Le tour du monde en bombe atomique

Jonas Jonasson est un auteur heureux. Il a publié un roman intelligent, sympa à lire, et qui s'est très bien vendu, bien au-delà de la Suède, Le Vieux qui ne voulait pas fêter son anniversaire.
L'ennui, c'est que Jonasson a eu envie d'écrire un nouveau best seller. Et que la méthode la plus simple était de recommencer le précédent en remplaçant quelques termes. Ainsi naquit L'Analphabète qui savait compter. L'histoire d'une jeune fille noire surdouée, née en Afrique du Sud durant l'Apartheid, qui va se retrouver en Suède avec une bombe atomique à gérer.



La première partie est bien amenée, et on peut espérer retrouver le plaisir de lecture du roman précédent. Mais hélas la machine se grippe. Les effets d'humour font moins rire, ou même pas du tout. L'intrigue, définitivement sans queue ni tête, demande au lecteur beaucoup de bonne volonté pour continuer à s'y intéresser.
L'ensemble reste mignon, mais la lecture n'en est pas moins pénible par moments. 

samedi 30 novembre 2013

Les bêtes du bush

Après l'excellent Koala Tueur, sont sortis deux autres recueils d'aventures dans le bush, et sur les côtes australiennes, de l'écrivain-aventurier Kenneh Cook : La Vengeance du Wombat et l'Ivresse du Kangourou.
La recette reste la même : des buffles, serpents, wombats, quokka, kangourous, chiens sauvages, totalement imprévisibles et incontrôlables, des aborigènes qui ont tout compris, des chercheurs d'opales avinés, et un narrateur écrivain qui voudrait juste réussir à s'en sortir sans trop de casse.
Délectable.


 
Le regard de dérision que Kenneth Cook porte sur lui-même, son pays et ses habitants, est plein d'amour. Ce qui donne le meilleur humour.

samedi 23 novembre 2013

Mutants, avez-vous donc une âme ?

Chute Libre (Opération Cay), de Lois McMaster Bujold, est une pépite. Une problématique philosophique sur l'humanité du mutant pour unité d'action, thème cher à l'auteur, un rythme soutenu permettant de respecter une unité de temps, une station de lieu pour l'unité de lieu, l'oeuvre répond aux critères des Anciens.



Est-ce que des individus créés en laboratoire par une multinationale, en plein espace pour ne répondre aux lois d'aucune planète, avec quatre bras et sans jambe pour être plus productifs dans l'espace, sont vraiment des hommes ? Ont-ils des droits ou peuvent-ils être considérés comme du matériel ?
Une oeuvre habile, prix Nebula 1988, qui se dévore d'une traite.

mercredi 20 novembre 2013

Flegme autrichien

Il en faut, du flegme et de la philosophie, à ce commissaire autrichien adepte de Wittgenstein, amoureux de sa propre soeur et rempli de tocs, pour ne pas perdre son sang froid face à un cadavre tué par un requin dans la piscine d'un penthouse viennois.



Requin d'Eau Douce, d'Heinrich Steinfest, est un récit qui vous gagne lentement, insidieusement, à sa cause. Qui vous apprend à aimer sa torpeur. Et ce n'est pas son moindre mérite.
On finit par bien l'aimer, cet odieux commissaire.


mardi 19 novembre 2013

Blitz

Connie Willis dépeint en deux tomes, et en prenant un peu trop son temps, la vie de trois historiens venus du futur pour étudier le Blitz, et dont les portails leur permettant de revenir à leur époque ne se sont jamais rouverts, les laissant abandonnés en cette périlleuse période.
Willis est un grand écrivain, dans la mesure où elle a su créer son propre style. Elle joue d'un rythme, d'une partition qui lui sont propres. Elle sait également passer de la comédie à la tragédie avec grande habileté.
Enfin, sa description du Londres sous les bombes allemandes est remarquable.
Pourquoi, toutefois, a-t-elle écrit 1400 pages là où la moitié auraient été nettement suffisantes ? Pourquoi autant se répéter ? On retrouve dans ce diptyque les qualités de ses précédents romans historiques (Sans Parler du Chien, le Grand Livre). Elle a trop de talent pour devenir verbeuse comme tous ces écrivains de SF et de Fantasy qui tirent à la ligne.



Je préfère garder en tête le meilleur de Black Out et All Clear : une gestion très intelligente des problématiques liées au voyage temporel (ce qui est rare, demandez à Poul Anderson comme on peut être mauvais à ce jeu-là), de splendides peintures de caractères, de l'émotion et un vrai sens du rythme quand elle le veut bien.