jeudi 28 août 2014

James Bond vs Cthulhu

Ce qui faisait le charme du Bureau des Atrocités de Charles Stross, c'était un mélange de MIB (une organisation secrète chargée de défendre la patrie) et de mythe lovecraftien.

Dans Jennifer Morgue, Stross remet le couvert en y ajoutant une couche de James Bond. Des supers agents secrets et leurs gadgets mi-techno mi-envoutés vont se frotter à un super-méchant désireux d'invoquer de quelconques forces du mal.
C 'est une couche de trop. J'évite en général le chocolat fondu sur mon steak à la confiture.

L'ensemble reste toutefois plein d'humour, mais l'histoire se lit avec plus de distanciation que le premier tome. Il faut être sérieusement geek pour apprécier toutes les références déployées à l'envie.


Qui n'a jamais rêvé de voir les génies de TBBT enfiler des smokings pour passer une soirée au casino à combattre les plans du Smersh, accompagnés de Penny en robe de soirée aussi fendue que décolletée, avec en poche des PDA aux appli traceuses de diagrammes occultes susceptibles de retenir une intrusion chtonienne ou des Chiens de Tindalos ne goûtera peut-être pas tout le sel de l'intrigue.

Sinon, foncez.


mercredi 27 août 2014

Le Passe-Muraille

Quel grand conteur, ce Tonino Benacquista. Dès ses premiers mots, le lecteur est assis à côté de lui, sûrement près du feu, et il se laisse emporter par l'histoire. Peu importe sa vraisemblance, une histoire, c'est avant tout une complicité entre l'auteur et le lecteur. On fait "comme si".
Comble du bonheur, le roman est illustré par Tardi.
Le Serrurier Volant suit les pas de Marc, un gars tranquille qui ne demande rien d'autre qu'un quotidien réglé sans surprise, aussi prévisible qu'une horloge suisse. Le problème, quand on est convoyeur de fonds, c'est que l'imprévisible peut brutalement s'inviter dans le quotidien.


Ce n'est pas la plus belle histoire que j'ai lue de Benacquista. Mais je l'ai dévorée avec un tel appétit et un tel plaisir qu'il serait malpoli de faire la fine bouche a posteriori.

mardi 26 août 2014

Le Franc et l'Abyssinien

Michael Chabon est un touche à tout. Il emmène cette fois son lecteur en 950, en Khazarie, à la suite de deux aventuriers que tout oppose. La Khazarie, c'est ce royaume caucasien dont la dynastie royale avait adopté le judaïsme, notamment afin de ne pas prendre parti entre ces belliqueux voisins Chrétiens à l'Ouest et Mahométans au Sud.
Les Princes Vagabonds, ce sont : Amram, un colosse abyssinien, et Zelikman, un malingre médecin franc ; ils vivent de combines et d'expédients, arpentant les pays à leur gré. Leur route va croiser celle d'un jeune prince dont la famille a été massacrée par un usurpateur, aujourd'hui devenu chef de guerre des Khazars. Ce sera le début de leurs ennuis.



Roman picaresque, parsemé d'action, mais surtout empli de tendresse et d'humanisme. Un très beau voyage dans un royaume oublié de l'histoire.

lundi 25 août 2014

Dumas Père Père

Alex Dumas était le fils métis d'une esclave de Saint Domingue et d'un noble désargenté. En France, il eut le titre de Comte et fit partie du Régiment des Dragons de la Reine. Il avait la carrure appropriée pour faire taire toute allusion à sa couleur de peau. Il avait la carrure d'un grand soldat, d'un meneur d'hommes qui, à force de coups d'éclat, et porté par ses idéaux républicains, deviendra général d'armée sous la Révolution.
Sa foi en la Révolution le conduira à se brouiller avec Bonaparte, dont il refusa le culte, ce qui mettra un point définitif à sa fulgurante carrière militaire.

La biographie de Tom Reiss, Dumas, le Comte Noir, a reçu le Prix Pulitzer 2013. Rigoureusement documentée, sa lecture est passionnante. Outre l'éclairage qu'elle fournit sur ce grand homme, elle est riche en éléments sur la position juridique de la France dans l'interdiction de l'esclavage, bien antérieure à celle des Etats-Unis. Le travail de Reiss est également éclairant sur l'influence dans l'oeuvre littéraire de Dumas du souvenir de son père.


Une lecture aussi passionnante qu'agréable.

vendredi 22 août 2014

Hibernatus

Comme on peut se tromper, parfois. En choisissant le Rabbin Congelé, de Steve Stern, j'avais envie de m'amuser. Hi hi, un grand sage, congelé accidentellement en 1899 dans un lac proche d'un petit shtetl et qui se réveille dans l'Amérique contemporaine, ça ne peut être que drôle. Choc des cultures, apport de la sagesse ancienne à une société si matérialiste, ça ne peut être que drôle.

Mais non. Le roman suit alternativement le parcours du bloc de glace, durant un siècle, de la Vieille Europe au Nouveau Monde, et l'apprentissage du jeune adolescent, Bernie, qui sera à l'origine de la décongélation accidentelle du rabbin. Le récit invite à suivre une fresque familiale, ses romances et ses tragédies, à travers le XXe siècle. Parallèlement, il dénonce le matérialisme abrutissant, le consumérisme tout puissant dans lequel le vieux rabbin se jette à corps perdu. "Vous voulez de la sagesse et du bonheur, je vais vous en vendre". De ce point de vue, l'auteur dénonce violemment les dérives mercantiles du fait religieux.

Bernie, lui, va découvrir ses origines, le parcours de ses ancêtres, que son père ne lui avait jamais transmis. Et en se souvenant, il va se découvrir à lui-même.


Il y avait un grand rabbin, qui, lorsque son peuple était menacé, partait dans la forêt, dans une clairière donnée. Il y allumait un feu et faisait une prière particulière. Et un miracle se produisait.
Son fils à son tour fit de même, mais il ne savait plus allumer le feu sacré. Mais le miracle encore se produisait.
Son propre fils se rendait également dans la clairière. Mais lui ne connaissait même plus la prière. Pourtant, il demandait un miracle, et celui-ci se produisait.
La génération suivante ne savait même plus où se trouvait la clairière. Mais ils se racontaient entre eux cette histoire, et le miracle se produisait.




jeudi 21 août 2014

Pique-nique

Stalker est un roman de science-fiction des écrivains russes Arcadi et Boris Stougatski. Des extra-terrestres sont venus sur Terre. Et puis ils sont repartis.
Ca s'est fait rapidement. Ils ne faisaient que passer. Derrière eux, ils ont laissé des zones contaminées par leur passage. Volontairement ? Involontairement ? Ces zones, éminemment dangereuses pour les êtres humains, recèlent des objets dont l'étude pourrait révolutionner la science. A condition d'en comprendre le fonctionnement. Et avant cela, de pouvoir se les procurer.
A ce jeu, personne n'égale les Stalkers, des rôdeurs qui pénètrent frauduleusement la nuit dans les enclaves et en rapportent des merveilles qu'ils revendent au marché noir.

Le terme stalker est entré dans le langage courant. On a dénommé ainsi les hommes en charge de travailler sur les zones contaminées de Tchernobyl et Fukushima. A savoir que to stalk voulant également dire avancer furtivement / traquer, le mot stalker est également utilisé pour désigner des personnes pratiquant le harcèlement.



Ce beau roman respire la culture et la poésie russe, ainsi que son goût pour la fatalité. Il a été adapté au cinéma par Andreï Tarkovski en 1979, peut-être de façon un peu trop intellectualisante.


Un monument de science-fiction.

mercredi 20 août 2014

Born to be Wilde

Une enquête criminelle menée par Oscar Wilde et Arthur Conan Doyle ? Pour oser camper en tant que personnages principaux deux aussi grands hommes de lettre et d'esprit, il faut une certaine audace. Gyles Brandreth, dans son roman Oscar Wilde et les Crimes du Vatican, y parvient à merveille.

J'avoue. J'ignorais que les deux plus fameux écrivains anglais à ma connaissance étaient irlandais pour le premier et écossais pour le second. Fondé sur des faits historiques avérés, à commencer par l'amitié ayant uni les deux auteurs, le récit est drôle, structuré, ponctué de maximes enlevées telles qu'on en attendrait de Monsieur Wilde.

Une lecture que je recommande chaleureusement. Je vais moi-même me procurer rapidement les autres volumes de la série.